Biodiversité : agir pour les générations futures

Resituer d'abord la France et ses territoires dans les grands enjeux internationaux (COP 15, UICN, IPBES, protection des océans...), pour examiner ensuite comment passer de ces enjeux à des actions locales, au présent, et axées sur les générations futures (en prévoyant notamment un échange avec des enfants) : tel était le fil rouge des échanges du colloque “Biodiversité : agir pour les générations futures” organisé le 4 décembre par l'Institut de formation de l'environnement (Ifore). Cliquez ici pour retrouver toutes les vidéos réalisées par Acteurs publics à cette occasion. 

Biodiversité : agir pour les générations futures

Interview d'Agnès Langevine, vice-présidente du conseil régional d'Occitanie, en charge de la transition écologique et énergétique, de la biodiversité, de l'économie circulaire et des déchets. Agnès Langevine est présidente de la commission “Transition écologique et énergétique” de Régions de France.

Vous avez accueilli, le 4 décembre, le colloque “Biodiversité : agir pour les générations futures”. Comment travaillez-vous sur ces enjeux de préservation de la biodiversité et plus largement de transition écologique ?
La région Occitanie s’est engagée pour la préservation et la reconquête de la biodiversité dès le début du mandat en multipliant les actions concrètes en faveur du vivant. En effet, il est indispensable de le préserver pour accroître la résilience du territoire dans le contexte de crise climatique. Ces enjeux appellent à un profond changement dans nos manières de penser, d’agir, de produire et de consommer. La région anime depuis deux ans, dans le cadre de son chef-de-filât sur la biodiversité, une réflexion avec l’ensemble des acteurs de la biodiversité en région, que ce soient les naturalistes, les scientifiques, les socio-professionnels (agriculture, sylviculture…). Toute cette démarche va être formalisée en mars 2020 avec l’adoption de la stratégie régionale (c’est-à-dire du territoire) pour la biodiversité (SrB). Nous considérons cette stratégie comme une feuille de route collective pour la biodiversité en Occitanie, un cadre commun pour l’action de tous les acteurs sur le territoire pour que tous soient “engagés pour la biodiversité”.

Depuis un an, nous avons créé l’Agence régionale de la biodiversité (ARB), qui  constitue le bras armé de la région pour la mise en œuvre concrète de ses politiques en faveur de la biodiversité, et notamment la SrB. La région s’est également donné une ambition forte en matière d’artificialisation, une des 5 causes d’érosion de la biodiversité, puisque le Sraddet a pour objectif phare de réussir le “zéro artificialisation nette” à l’échelle régionale. La région va enfin adopter, en décembre, un plan Arbre et Carbone vivant pour une protection des vieilles forêts qui sont de véritables puits de carbone et une plantation qualitative d’arbres pour la restauration de la capacité des sols à stocker le carbone, afin de répondre à l’enjeu climatique. Ce sont des solutions fondées sur la nature, qui représentent de vraies solutions pour atteindre la neutralité carbone.

Au-delà de ces cadres d’intervention globale, je citerai un exemple d’action concrète, il s’agit d’une formation croisée à destination des professionnels de la nature et des journalistes, qui va se tenir en janvier 2020 pour, d’une part, former et sensibiliser les journalistes à la complexité du sujet biodiversité et les outiller pour sensibiliser le grand public à cet enjeu et, d’autre part, former les professionnels de la nature à mieux faire passer les messages auprès des médias.

La région dispose des compétences institutionnelles pour agir : considérez-vous que, même s'il faut un cadrage national, tout (ou beaucoup) se joue dans les territoires ? Et d'un point de vue stratégique, à l'échelle des régions ?
Un cadrage national permet de donner un cap et des orientations stratégiques. De plus, l’échelle nationale va permettre de valoriser les engagements locaux en faveur de la biodiversité : elle vient reconnaître la mobilisation des élus locaux et des citoyens et les accompagner en matière d’ingénierie. C’était l’objectif des Trophées régionaux pour la biodiversité, qui ont récompensé une diversité d’acteurs et salué les initiatives positives qui voient le jour un peu partout en Occitanie.

Aujourd’hui, les actions concrètes de préservation de la biodiversité se mènent dans les territoires par les citoyens mobilisés et les associations locales. Ils mènent des actions notamment pour l’amélioration de la connaissance sur la biodiversité et la sensibilisation de toutes et de tous. En effet, ce sont eux qui connaissent le mieux leur territoire, par les balades et la connexion à la biodiversité ordinaire qui fait leur cadre de vie quotidien. Cette proximité à la nature est primordiale car mieux on connaît et plus on se mobilise pour protéger. Quant à l’échelon régional, il est particulièrement pertinent pour décliner de façon opérationnelle et adaptée aux territoires des politiques ambitieuses en termes de transition écologique et énergétique qui s’inscrivent dans un cadre national et européen. De plus la région agit en restant en relation étroite avec les acteurs de la biodiversité. Enfin, elle peut intervenir de façon transversale par le biais de ses autres compétences (agriculture, tourisme, transports…) en faveur de la biodiversité.  

Le colloque du 4 décembre l'a mis en lumière : les synergies sont essentielles sur ces enjeux. Faut-il (et comment) associer tous les acteurs, qu'ils soient décideurs publics, chercheurs, membres du tissu associatif, etc. ?
La qualité des actions menées en faveur de la biodiversité en Occitanie repose sur le partenariat productif à l’échelle régionale, qui a été particulièrement marqué pendant la coconstruction de la SrB. La concertation large et les nombreux échanges avec les associations et autres acteurs de la biodiversité ont marqué son élaboration. La qualité des partenariats est une force que nous avons en Occitanie, qu’il s’agit de cultiver, notamment avec l’animation et la mise en œuvre de la SrB.

Pour engager le changement dans nos modes d’organisation, il faut déclencher une prise de conscience collective de l’ensemble des acteurs privés et publics de l’impact qu’ils peuvent avoir sur la biodiversité. Sur l’agriculture, les prises de conscience ont bien évolué, mais l’ensemble des activités doivent désormais prendre conscience de leur impact et chercher à le diminuer. Mais il faut aussi montrer à ces acteurs toutes les opportunités que représente la préservation de la biodiversité. Je mentionnais les solutions fondées sur la nature : elles constituent une opportunité pour un développement durable de nos territoires, avec la création et le maintien d’emplois non délocalisables (tourisme, agriculture, pêche…).

Il y a manifestement urgence à agir avant qu'il ne soit trop tard... Êtes-vous confiante ? 
L’année 2019 nous a rappelé que l’urgence est là et la publication du rapport de l’IPBES (la plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques), un “Giec de la biodiversité”, a lancé un cri d’alerte qu’il nous faut entendre : 1 million d’espèces animales et végétales, soit une sur 8, sont menacées de disparition dans les prochaines décennies. Cet effondrement se passe aussi en Occitanie, comme en témoigne la disparition cet été du dernier couple de pies-grièches à ventre rose, une espèce emblématique de notre territoire.

Cette alerte doit renforcer notre volonté d’agir et de se mobiliser pour préserver et restaurer la biodiversité. La région agit dans ce sens par toutes les politiques qu’elle met en œuvre et elle ambitionne d’impulser un véritable changement de notre mode d’organisation en décloisonnant la biodiversité du seul champ des spécialistes. Il nous faut remettre le vivant au cœur du modèle de développement, c’est essentiel pour le sauver.

L’année 2020 sera une année charnière, avec l’adoption de la stratégie régionale pour la biodiversité en Occitanie, mais également avec une mobilisation nationale et internationale à l'occasion du Congrès mondial de la nature de l’UICN, organisé en juin à Marseille, et la COP15, en décembre en Chine. La mobilisation internationale et nationale de l’année 2020 doit s’accompagner d’une mobilisation régionale et constituer un tremplin pour une véritable prise de conscience de cet enjeu, une prise de conscience semblable à celle réalisée pour le climat. 

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