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Un nouveau pôle d’expertise “data” de l’État pour mieux comprendre les plates-formes numériques

Le poids croissant du numérique, et a fortiori de certains acteurs, fait peser de nombreux risques tant en matière de concurrence que de diversité et d’accès aux contenus sur Internet. Prévu par la future loi audiovisuel, un nouveau pôle d’expertise de la régulation numérique a vu - en partie - le jour pour aider les pouvoirs publics à mieux comprendre les pratiques des plates-formes numériques comme Facebook et Google et à prévenir les dérives en orientant les politiques publiques.
 

Des experts des données pour guider la régulation du numérique. Un décret paru au Journal officiel de ce 2 septembre acte la création du “Pôle d’expertise de la régulation numérique” (Peren). Ce service à compétence nationale rattaché à la direction générale des entreprises (DGE) et placé conjointement sous l’autorité des ministères de l’Économie, de la communication et du Numérique, doit renforcer la force de frappe de l’État en matière de régulation des plates-formes numériques telles que Google, Facebook, Amazon ou AirBnB.

Il fournira pour ce faire une “assistance technique dans les domaines du traitement des données, des data sciences et des procédés algorithmiques”. Ses équipes d’experts appuieront les services de l’État en matière “d’analyses de données, de codes sources, de programmes informatiques, de traitements algorithmiques et d’audit des algorithmes utilisés par les plates-formes numériques”. À la demande de ces différents services, il fournira “une contribution et une expertise techniques dans le cadre de contrôles, enquêtes ou études menés sur les plates-formes numériques”.

Il est également chargé d’animer un réseau d’experts publics en sciences des données et des algorithmes en lien avec le monde de la recherche et la direction interministérielle du numérique (Dinum), qui dispose elle aussi d’experts de haut niveau sur la science des données et la transparence des algorithmes, notamment à Etalab et dans son laboratoire d’intelligence artificielle. 

Comprendre les activités des géants du numérique 

Le nouveau pôle et ses profils aux compétences techniques pointues devront permettre “de mieux appréhender et analyser les problématiques posées par les marchés et grands acteurs numériques”, peut-on lire dans la fiche de recrutement du chef de ce pôle – qui n’aurait pas encore été désigné, selon nos informations –, mais aussi de développer le partage de l’information et de l’analyse entre les pouvoirs publics. Et ce dans l’objectif, assigné par le projet de loi audiovisuel, d’en finir avec “l’asymétrie d’information manifeste” entre pouvoirs publics et acteurs du numérique et avec la “carence dans leur capacité à appréhender avec une maîtrise suffisante les problématiques spécifiques inhérentes au numérique”. De quoi permettre au gouvernement de renforcer son action au niveau national, mais aussi d’affiner ses propositions sur le plan européen.

Créé au premier semestre 2020, le pôle a d’ores et déjà commencé à recruter et à travailler sur des projets d’analyse de viralité des contenus sur les réseaux sociaux, de quantification de l’empreinte des traceurs publicitaires (cookies) sur les sites en “.fr”, d’audit d’algorithmes et notamment d’évaluation du caractère discriminant ou non de certains algorithmes (de moteurs de recherche, de classement d’offres commerciales, de contenus…), ou encore d’évaluation d’une potentielle mise en place de l’interopérabilité de certaines plates-formes numériques pour en diminuer le caractère monopolistique.

Transversalité

Il dispose d’ailleurs de “pouvoirs particuliers d’utilisation de données”, ce qui pourrait attirer les “talents passionnés par les sujets de régulation des grandes plateformes numériques”, fait valoir la DGE dans une fiche de recrutement de développeur. Des missions d’information et d’audit pourront également être menées chez les entreprises du numérique. 

S’il est rattaché au chef du service de l’économie numérique de la DGE, Mathieu Weil, le nouveau pôle a donc vocation à servir tout un ensemble d’administrations. “Le pôle d’expertise de la régulation numérique a pour mission d’appuyer les services de l’État intervenant dans la régulation des plates-formes numériques, dans leurs travaux de conception, de mise en œuvre et d’évaluation de cette régulation”, précise le décret de création. Le but étant de constituer un centre d’expertise en sciences des données “reconnu et mutualisé” au niveau de l’État et ainsi d’éviter la multiplication au sein des services de l’État et autorités indépendantes “de petits laboratoires isolés visant à répondre de façon fragmentée aux besoins opérationnels” de chacun, selon le projet de loi “Audiovisuel”, qui devait définir le champ d’action du pôle commun, mais dont l’examen au Parlement a été suspendu par la crise sanitaire. En attendant le vote de cette loi, le pôle peut tout de même commencer à travailler, mais amputé d'une partie de son activité, notamment lorsqu'il s'agit de travailler à partir de données émanant des autorités indépendantes. 

Recrutements de datascientists

Des partenariats seront ainsi noués entre le Peren et des services administratifs ou autorités indépendantes qui souhaiteraient passer commande d’un travail d’analyse, comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), l’Autorité de la concurrence, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) ou bien le Conseil supérieur de l’audiovisuel, dont le champ d’action continue de s’étendre en matière de numérique.

La DGE n’est pas la seule à se doter d’un pôle des données. La direction générale des finances publiques multiplie en ce moment les offres d’emplois pour renforcer son propre service dédié. Six recrutements sont en cours dans ce pôle “Données” pour le renforcer de datascientists spécialisés en visualisation de données ou en traitement des images.

Un chef de projet est également recherché pour “établir la gouvernance des données” de la direction des impôts. L’inspection générale des Finances avait elle aussi constitué, début 2019, un service d’experts des données pour enrichir ses analyses quantitatives de politiques publiques. 

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Club des acteurs publics

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