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Thierry Berthier : “La robotique doit être centrale dans la feuille de route technologique du prochain quinquennat”

Directeur du groupe Sécurité IA Robotique du Hub France IA, enseignant-chercheur, Thierry Berthier souligne l’enjeu de la robotique au service de l’action publique. Un enjeu phare pour le prochain quinquennat, souligne-t-il, qui suppose la création d’une agence interministérielle. 

Pourquoi faut-il dans les années à venir, créer une Agence nationale des systèmes robotisés, pour préparer aux révolutions à venir de la robotique ? En quoi est-ce un enjeu central en matière d’action publique pour le quinquennat à venir ?  
Le temps est venu de créer l’agence nationale des systèmes robotisés comme le temps était venu, voilà 11 ans, de créer l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information. C’est le bon moment tant les révolutions en matière de robotique sont rapides et porteuses d’opportunités nombreuses. Nous avons répertorié une douzaine de transformations majeures à venir et déjà initiées. Je pense notamment à la révolution agricole, particulièrement à l’œuvre en Chine, où la robotique révolutionne les pratiques avec des robots aériens qui traitent les cultures, augmentent la productivité tout en diminuant la diffusion de produits phytosanitaires. Les interventions robotiques sont personnalisées et le fermier devient un chef d’orchestre des robots agricoles, des robots tracteurs, des robots moissonneuses-batteuses… La robotique médicale est similairement porteuse d’avancées considérables, avec des micro et des nano robots qui sont envoyés dans le corps pour s’attaquer aux cellules cancéreuses. Des expérimentations sont actuellement menées. Le champ des possibles est gigantesque ! Le champ militaire est également concerné ainsi que les transports, la logistique, les bâtiments et travaux publics… Des robots qui peuvent construire très, très rapidement des logements avec des imprimantes en 3D qui utilisent du béton ; des robots peintres qui peuvent remplacer des dizaines de personnes, etc.

Créer une agence pleinement interministérielle pour porter des révolutions qui touchent toutes les politiques publiques

Les potentiels sont forts mais pourquoi une agence est-elle nécessaire ?  
Elle est nécessaire pour encadrer les avancées à l’œuvre et pour les accélérer ! À ce stade, la France est pleinement dans la course, mais nos voisins sont également bien lancés et la compétition est mondiale. L’Allemagne, par exemple, a lancé une structure centrée sur des enjeux de sécurité civile et intérieure, mais cela déborde sur d’autres champs. Nous proposons donc de créer une agence pleinement interministérielle pour porter les 12 révolutions que nous avons identifiées. C’est indispensable parce qu’elles concernent tous les pans de l’action publique et des politiques publiques, tous les ministères sont donc concernés : agriculture, transports, sécurité, aménagement, développement durable…
Sa première mission consistera à fédérer un écosystème aujourd’hui très morcelé. Nous possédons en France de nombreux champions mais les acteurs publics méconnaissent les entreprises qui interviennent. Un travail de cartographie, de suivi et de veille proactive doit être instauré. Par ailleurs, le soutien à ces entreprises doit être développé. Lors des grands appels d’offres sur les chantiers à l’international, ce sont les entreprises chinoises, américaines ou russes qui répondent. Les acteurs français et européens sont trop peu présents alors que ces marchés portent sur l’intelligence artificielle et la robotique, enjeux pour lesquels notre savoir-faire est fort.  
 
Une acculturation des décideurs publics est donc nécessaire ?  
Ils doivent comprendre les enjeux et s’engager. Aujourd’hui les différents fonds financent du software et des logiciels, et insuffisamment les startups de hardware et de la robotique. Les dirigeants de ces fonds considèrent que le retour sur investissement est plus compliqué avec des investissements plus lourds au départ. Ailleurs, le financement est plus conséquent. Une initiative pourrait être prise sur le plan européen, pour pousser des grands programmes de robotique. Les financements pourraient être coordonnés. L’Allemagne et la Grèce parviennent à gagner des appels à projets parce que la puissance publique s’engage davantage. Il faut donc une action volontaire de l’action publique sur le sujet. L’agence que nous préconisons y contribuera.
En France, il y a cette petite musique regrettable qui pointe le caractère divertissant des robots mais sans réelle utilité pour la vie quotidienne. C'est ultra faux ! Des cas d’usage doivent être mis en avant. Je pense aux robots Shark Robotics, une production française, qui sont aujourd’hui en application pour les incendies. Lorsque la température monte à 800 degrés dans un feu de parking souterrain d’immeuble, seuls les robots peuvent intervenir pour éteindre l’incendie, détecter des blessés… Idem pour détecter des pollutions maritimes, pour réencenser des zones désertiques, etc. Le constructeur de drones Parrot est le numéro 2 mondial du secteur des drones légers. Les exemples sont nombreux ! Clairement, la robotique doit être un champ central de la feuille de route technologique du prochain quinquennat.  

Propos recueillis par Sylvain Henry

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Club des acteurs publics

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