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"Stratégie numérique publique : encore un effort !"

À l’heure où la France connaît un second confinement, le Cercle de la réforme de l’État appelle à un nouvel effort. Dans ses premiers travaux sur ce thème*, le cercle de réflexion faisait le constat qu’au seuil de la crise sanitaire, l’État numérique n’était pas prêt et il formulait des propositions fortes pour une stratégie et des moyens à la hauteur des enjeux.

La stratégie numérique publique doit reposer sur le triptyque d’un partenariat étroit de la sphère publique avec la société civile dans toutes ses dimensions pour la définir, d’une organisation efficiente pour la mettre en œuvre et de moyens à la hauteur des enjeux pour la concrétiser. 

Sur le plan de l’organisation de la sphère publique, le Cercle préconisait la création d’un département ministériel fort, capable de faire émerger cette stratégie et de la porter, dans une interaction essentielle avec la société civile. Au plan des moyens, il insistait pour des investissements permettant d’atteindre la surcapacité dans un domaine vital pour le fonctionnement de l’État. 

Depuis juillet, Cédric O est secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, Amélie de Montchalin ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Cette nouvelle architecture du gouvernement apporte une partie des réponses aux préconisations du Cercle. Le recentrage du portefeuille du premier sur le développement de l’économie numérique et, en parallèle, l’attribution du dossier de la transformation numérique de l’État à la seconde sont positifs. Ces deux champs de compétence hétérogènes, auparavant tous deux du ressort du secrétaire d’État au Numérique, gagnent à être désormais distingués.

Pas de transformation de l’État sans numérique et inversement

La promotion du portefeuille de la Transformation publique en ministère plein est un signal de l’importance assignée à ce sujet, mais le décret d’attributions de la ministre montre aussi que le numérique est placé au cœur de la transformation de l’administration. Le rattachement de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et de celle du numérique (Dinum) à la ministre, la volonté de celle-ci d’instaurer une synergie entre ces deux directions et avec la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) répondent à notre critique sur la distance excessive entre ces entités aux missions intimement liées. Le Cercle a la conviction qu’il n’y a pas de transformation de l’État sans numérique, mais pas non plus de transformation numérique sans transformation globale de l’État. Les changements d’organisation ne sont pas tout, mais l’organisation précédente était un obstacle à l’efficacité.

Au-delà de l’organisation, les moyens dédiés sont essentiels. À cet égard, le plan de relance n’oublie pas la transformation numérique de l’État. Sur 7 milliards d’euros consacrés au numérique, 500 millions le sont au numérique public, dont 208 millions pour le poste de travail des agents, 204 millions pour la transformation des services publics et 88 millions pour les collectivités locales.

Sur ces sommes, 380 millions font déjà l’objet de 16 appels à projets pour la “mise à niveau numérique de l’État et des territoires”. Ils visent à répondre à un problème prioritaire relevé par le Cercle : l’insuffisance de l’outillage numérique des agents publics, avec 137 millions d’euros dédiés, dont 82 millions pour le travail collaboratif et 55 millions pour le réseau interministériel de l’État (RIE) dans les territoires. D’autres appels à projets, notamment ouverts aux collectivités territoriales, suivront.

C’est une inflexion notable dans la politique d’investissement de l’État.

Développement des start-up et des technologies stratégiques

Deux interrogations toutefois. En premier lieu, les appels à projets constituent-ils la méthode pertinente pour résoudre des problématiques d’infrastructures telles que les réseaux et l’équipement des administrations ? D’autant plus que la DITP et la Dinum ne seront pas opératrices des projets, mais coordonneront simplement les administrations qui les porteront. Une attention particulière devra être apportée à la cohérence d’ensemble des projets retenus. 

En second lieu, cet effort peut-il suffire pour que l’État surmonte ses retards et dispose d’infrastructures surcapacitaires pour faire face aux temps de crise ?

Quant au périmètre de Cédric O, et en écho à notre appel pour la constitution d’entreprises puissantes dans le domaine du numérique, les 7 milliards cités plus haut, consacrés à ces enjeux sans préjudice des programmes sectoriels portés par les ministères, auront un effet de levier significatif. L’effort majeur porte sur le développement des start-up et des technologies stratégiques avec une enveloppe de 3,7 milliards d’euros. C’est, là aussi, une inflexion vers des investissements plus à l’échelle de ceux des pays de l’OCDE. Le pas demeure cependant limité.

Pour mettre en œuvre ce programme, le secrétaire d’État ne dispose pas de services propres, mais de ceux du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance [Bruno Le Maire, ndlr], essentiellement la direction générale des entreprises. Celle-ci monte en puissance en tant qu’actrice du numérique public, avec un signal significatif : elle héberge le nouveau “pôle d’expertise de la régulation numérique” (Peren), chargé de fournir aux services de l’État une assistance technique dans les domaines du traitement des données et des algorithmes. Mais c’est encore en phase de démarrage.

Inclusion numérique

Dans ce périmètre du secrétaire d’État aussi, l’affectation, annoncée le 17 novembre, de 800 millions d’euros au numérique du quotidien, dont 550 millions pour le déploiement de la fibre sur tout le territoire et 250 millions consacrés à la formation et à l’accompagnement des Français éloignés du numérique, va dans le bon sens. Il faudrait toutefois que ce dossier soit conduit en très étroite collaboration avec le ministère en charge de la Transformation publique. En effet, le développement de l’usage des services publics numériques à la fois est un facilitant de l’inclusion numérique et dépend beaucoup d’elle.

Au total, ces derniers mois ont été marqués par des initiatives positives vers une stratégie numérique publique. Le Cercle demeurera attentif au regard du triple constat que les budgets demeurent modestes par rapport aux enjeux et aux retards, que les moyens humains au service de la stratégie sont à peu près les mêmes que ceux disponibles dans l’ancienne architecture gouvernementale, et que le contenu précis des actions n’est pas finalisé à ce stade. Et aussi parce qu’une réorientation de fond reste en grande partie à accomplir : au-delà de réformes administratives et de programmes publics, partir des besoins des citoyens et des entreprises, associer tous les acteurs. Oui, encore un effort !

*https://cerclereformeetat.eu/publications/la-crise-revelateur-de-la-necessite-dune-strategie-numerique-publique/ et https://cerclereformeetat.eu/publications/pour-une-strategie-numerique-publique-2/

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