LE CLUB DES ACTEURS DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE

Partager

Pour répondre aux fortes attentes d’une société en mutation, pour assurer les conditions d’une croissance durable dans un environnement très concurrentiel, pour défendre et adapter un modèle social, socle du pacte républicain et possible rempart contre les conséquences de la crise financière mondiale, les organisations publiques se doivent d’être performantes. Les équipes Secteur Public d'EY ont pour ambition d’accompagner les administrations vers davantage d’efficacité, de performance et de transparence.

8 min

Sondage : pour 2 Français sur 3, le numérique est une priorité pour améliorer notre système de santé

La place de l’humain, la sécurité des données de santé et la fracture numérique sont identifiées comme les principaux freins ou risques associés au développement du numérique en santé, selon notre sondage Acteurs publics/EY pour l’Observatoire des politiques publiques réalisé par l’Ifop.

Sans doute l’une des conséquences des années Covid : les Français se convertissent à la vitesse grand V au numérique dans le domaine de la santé. Selon l’enquête Acteurs publics/EY pour l’Observatoire des politiques publiques réalisée par l’Ifop, une nette majorité de personnes interrogées (65 %) juge le développement rapide du numérique dans le secteur de la santé prioritaire pour en améliorer le fonctionnement. Une tendance aussi bien marquée chez des jeunes (69 % chez les moins de 35 ans) que parmi les seniors (62 % pour les 65 ans et plus) [lire la tribune de Loïc Chabanier, associé EY Consulting, leader “santé & pharma, Europe West et France”, et Nihal Filali, associée EY Consulting, leader “santé numérique et innovation, France”]. 

Ces Français citent en premier la recherche (43 %), l’optimisation des parcours de soins (42 %) et la prévention (42 %) comme étant les activités pour lesquelles il faudrait concentrer les efforts et les ressources pour développer le numérique dans la santé. Notons que parmi les réfractaires à la priorisation du développement du numérique dans la santé, 60 % y sont opposés car ils considèrent que la relation humaine (en personne) entre les patients et les professionnels de santé est la base de la confiance dans le système de santé, 44 % qu’une partie de la population n’utilise pas les outils numériques et que leur déploiement va renforcer l’inégalité d’accès aux soins et 36 % qu’il y a d’autres problèmes plus urgents à régler.

Près d’un Français sur deux (48 %) mentionne comme principal frein au développement du numérique dans la santé les craintes des citoyens sur la sécurité et la confidentialité de leurs données personnelles de santé, devant le manque de culture ou de pratique du numérique des professionnels de santé et des patients (36 %) et la perte de confiance des citoyens dans tout “ce qui vient d’en haut” (31 %). 

Mon espace santé, connu mais peu utilisé

Corollaire des raisons expliquant la défiance vis-à-vis de la priorisation du développement du numérique dans la santé (la perte de la relation humaine), une majorité de Français (56 %) cite comme principal risque la déshumanisation du rapport de confiance entre patients et professionnels de santé, suivie de la cybercriminalité (44 %), de l’augmentation des inégalités d’accès aux soins (41 %) et du manque de sécurité et de confidentialité du traitement des données personnelles de santé (40 %).

Parmi les surprises de cette enquête exclusive, Mon espace santé – le carnet de santé numérique permettant à chacun de stocker ses documents et ses données de santé de façon gratuite et sécurisée et de les partager avec des professionnels de santé – est largement connu par les Français : 84 % en ont déjà entendu parler et 54 % affirment voir précisément de quoi il s’agit. 

Bien que largement identifié, Mon espace santé reste très minoritairement utilisé par l’ensemble des Français : rapporté à l’ensemble de la population, on observe que si près d’un sur deux (46 %) déclare avoir activé son compte, “seulement” 32 % ont complété leur profil médical, 22 % ajouté des documents de santé et 9 % déclarent avoir déjà utilisé la messagerie instantanée pour communiquer avec un professionnel de santé.

Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop

L’enquête Acteurs publics/EY pour l’Observatoire des politiques publiques réalisée par l’Ifop a été menée par questionnaire auto-administré en ligne du 7 au 11 avril 2023 auprès d’un échantillon de 1 004 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille) après stratification par région et catégorie d’agglomération.

ANALYSE

Numérique en santé et usage : casser le plafond de verre

Par Loïc Chabanier, associé EY Consulting, leader “santé & pharma, Europe West et France”,
et Nihal Filali, associée EY Consulting, leader “santé numérique et innovation, France”

Notre système de santé vise à assurer l’équité d’accès aux soins dans des conditions économiques soutenables. Les contraintes qui pèsent sur lui sont connues : évolution de la démographie, augmentation des maladies chroniques, inégalités territoriales et sociales, financement. Les pouvoirs publics, après un diagnostic sans complaisance de la situation de la France, ont élaboré une feuille de route stratégique, dont l’un des chantiers prioritaires est le développement du numérique.

Paradoxalement, alors que toutes ses activités sont impactées par les technologies numériques, la santé est en retard dans l’utilisation du numérique par rapport au grand public. De nombreuses initiatives pionnières ont permis de démontrer sa valeur ajoutée, mais sans atteindre la taille critique permettant d’en généraliser les usages dans un système de santé historiquement construit en silos et sans standards forts. Elles ont néanmoins eu le grand mérite de faire évoluer les esprits.

La crise sanitaire a largement contribué à la prise de conscience de l’intérêt de la santé numérique par les citoyens et les professionnels. Elle a donné un nouvel élan au développement du numérique, qui s’est matérialisé par le lancement de programmes financiers de grande ampleur comme le “Ségur” et la stratégie d’accélération santé numérique, qui apportent un soutien financier massif pour accélérer le déploiement de la santé numérique.

Il s’agit d’un véritable changement de braquet pour la santé numérique. Après de premiers résultats probants et visibles, l’enjeu est maintenant de développer massivement les usages.

La matière première de l’e-santé, ce sont les données de santé, qu’il faut collecter, stocker, échanger. Les nouveaux usages qui se développent, comme la télésurveillance ou la prévention individualisée, impliquent de partager plus largement ces données, et pour ceux qui ont potentiellement le plus de valeur, de croiser des données de différentes sources.

Le potentiel de l’intelligence artificielle (IA) est considérable, comme l’a récemment mis en évidence l’IA générative et ChatGPT, mais peu d’usages s’intégrant dans la pratique des médecins et les parcours de soins ont déjà trouvé un modèle économique viable. Et le recours à l’IA pose question sur la maîtrise des données.

Gagner la confiance des citoyens et vaincre leurs réticences en apportant des garanties sur la protection et le bon usage de leurs données est indispensable pour que les usages se développent.

La relation de confiance entre les patients et les professionnels est la colonne vertébrale du système de santé. Le risque de déshumanisation de cette relation est un frein à l’engagement dans les solutions numériques. De même, la crainte de perdre du temps médical génère des réticences de la part des professionnels. Et les patients ne s’engageront que si les professionnels de santé sont eux-mêmes convaincus !

Enfin, une partie de la population ne maîtrise pas les outils numériques, ou n’y a pas accès, ce qui fait craindre une augmentation des inégalités d’accès aux soins.

Un cadre de confiance renforcé et cohérent, favorisant l’innovation et le développement de nouveaux services, doit être fondé sur quelques orientations structurantes :
investir massivement sur la partie cachée du numérique en santé : l’interopérabilité, les infrastructures favorisant le partage de la donnée, l’application de standards universels ;
valoriser la donnée de santé, une richesse considérable que l’on n’exploite pas encore suffisamment. Au-delà de la sécurisation des données individuelles, prérequis à l’offre de services numériques aux patients, l’exploitation de ces données en association avec des bases de données contextuelles ouvre des perspectives innombrables dans les domaines de la prévention individualisée et des soins à domicile. L’utilisation secondaire des données de santé à des fins de recherche est un champ également très prometteur ;
développer une filière nationale de santé numérique : favoriser toutes les formes d’innovation et les aider par des financements ciblés. Un vaste écosystème de start-up s’est d’ores et déjà développé en France, avec un fort potentiel d’innovation dans les services aux patients et professionnels ou dans la création de briques logicielles favorisant l’interopérabilité et l’échange de données.

Le risque principal aujourd’hui n’est plus le retour en arrière, mais la stagnation à un niveau d’usage qui n’apporte que peu de valeur ajoutée au système de santé dans sa globalité. Casser ce plafond de verre est une priorité absolue. Pour cela, la pénétration rapide et l’utilisation effective de Mon espace santé (MES), le nouveau service mis en place pour permettre à chacun de gérer ses données de santé, constitue une opportunité sur laquelle nous devons rapidement capitaliser.

MES est une vitrine de ce que peut réaliser la force publique en termes d’ambition, de dynamique de développement, de préparation du futur. C’est une étape cruciale pour ancrer la santé numérique, qui ouvrira la voie à de nouveaux développements plus ambitieux. Ces nouveaux services posent également des bases méthodologiques fortes :
construire des solutions pour et avec les citoyens, en mettant en avant les usages. On a longtemps abordé le numérique à travers le seul prisme des professionnels de santé, mais cela ne marchera que si l’on s’occupe à la fois des usagers et des professionnels. C’est le concept marketing de la symétrie des attentions ;
développer les services par itérations rapides pour être toujours aligné sur les besoins des usagers et anticiper leurs attentes.

En conclusion, la France est passée en quelques années d’initiatives fragmentées à la mise en œuvre d’une feuille de route structurée dans un cadre robuste fondé sur des valeurs cardinales : un numérique inclusif et solidaire, des choix technologiques qui s’inscrivent dans une logique de souveraineté, la stimulation de l’innovation sous toutes ses formes et un appui soutenu à la création de start-up pour développer une filière nationale de la santé numérique.

Nous sommes aujourd’hui à un tournant. Les premiers services de base sont en cours de déploiement de façon dynamique et leur accueil est bon, même si tous les freins ne sont pas encore levés. Mais les usages effectifs ne permettent pas encore d’engager la transformation en profondeur du système de santé. Ceci n’est pas inquiétant en soi, car le processus d’appropriation et d’apprentissage prend naturellement du temps, mais doit nous inciter à la vigilance et à ne pas relâcher les efforts dans l’accompagnement des citoyens et des professionnels de santé.

La valorisation des données de santé, en permettant d’aller chercher tout le potentiel de création de valeur, constituera le véritable game changer de la santé numérique.

Une priorité partagée par tous les pays développés
Tous les pays développés font face aux mêmes défis démographiques et sanitaires (vieillissement, maladies chroniques). Tous font de la santé numérique une priorité et son déploiement est particulièrement dynamique, quoiqu’encore inégal dans le niveau de maturité et les modes de pilotage.
Les objectifs poursuivis à court terme sont similaires : le déploiement de services de base (dossier numérique du patient, messageries sécurisées, plates-formes de santé numérique, télémédecine), la responsabilisation et l’autonomisation des patients. Tous ces services sont confrontés aux mêmes difficultés : l’interopérabilité, la fiabilité et la sécurité des données de santé. Les spécificités historiques des systèmes de santé font qu’il n’existe pas de solutions “clés en main” transposables facilement d’un pays à l’autre, mais l’échange d’expériences et des meilleures pratiques constitue une source d’inspiration.
L’utilisation de standards internationaux d’interopérabilité et le développement de standards sémantiques faciliteront les échanges des données de santé entre pays européens. La prise en charge des transfrontaliers est une première étape. L’élargissement des bases de données pour l’utilisation secondaire des données de santé à des fins de recherche est une autre retombée très intéressante. Concrétiser ces perspectives prometteuses est l’ambition de l’Espace européen des données de santé (EHDS).
Quels sont les développements internationaux les plus avancés qui préfigurent l’utilisation future du numérique et dont la France peut s’inspirer ? Nous en citerons 3 qui induisent des reconfigurations du système de santé :
- développement des soins à domicile : téléconsultation, télésurveillance des patients atteints de maladies chroniques et des personnes âgées, services de téléréhabilitation, hôpital à domicile, unité de soins intensifs virtuelle… Le numérique ouvre vers de nouveaux modèles de soin dont les bénéfices sanitaires, sociaux et économiques peuvent être considérables ;
- prévention, basée sur la “technologie du jumeau numérique du patient” qui intègre un large éventail de sources de données au-delà du dossier médical (dispositifs médicaux connectés, données contextuelles comme la pollution de l’air). L’analyse prédictive permet d’anticiper les avatars médicaux et de mettre en place des actions de prévention individualisées ;
- l’hôpital du futur : un hôpital dont les activités dans les murs et hors murs exploitent tout le potentiel des technologies disponibles. Ce n’est plus vraiment un rêve futuriste ! Quelques hôpitaux dans le monde s’approchent de cet idéal, par reconfiguration d’hôpitaux existants ou dans une démarche greenfield. L’Erasmus Medisch Centrum, aux Pays-Bas, est l’une des réalisations les plus abouties à ce jour.

Club des acteurs publics

Votre navigateur est désuet!

Mettez à jour votre navigateur pour afficher correctement ce site Web. Mettre à jour maintenant

×