LE CLUB DES ACTEURS DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE

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Pour répondre aux fortes attentes d’une société en mutation, pour assurer les conditions d’une croissance durable dans un environnement très concurrentiel, pour défendre et adapter un modèle social, socle du pacte républicain et possible rempart contre les conséquences de la crise financière mondiale, les organisations publiques se doivent d’être performantes. Les équipes Secteur Public d'EY ont pour ambition d’accompagner les administrations vers davantage d’efficacité, de performance et de transparence.

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Sondage : les maires perçus comme les acteurs publics les plus exposés au risque pénal

Plus de 6 sur Français sur 10 estiment que les maires sont exposés au risque pénal dans l’exercice de leurs fonctions, juste devant les directeurs d’hôpital, selon l’enquête Acteurs publics/EY pour l’Observatoire des politiques publiques réalisée par l’Ifop. [Voir aussi l'émission "Le risque pénal bloque-t-il l'action publique" avec Jean-François Kerléo, professeur de droit public et Louisa Allal Azelarab, avocat, EY]

Le risque pour un décideur public d’être traîné devant la justice et d’être condamné au pénal dans le cadre de ses fonctions peut-il l’inciter à être trop prudent ou à l’inaction ? Oui, répondent plus des deux tiers des Français (68 %), selon l’enquête exclusive Acteurs publics/EY pour l’Observatoire des politiques publiques, réalisée par l’Ifop. Cette vision est tout particulièrement répandue parmi les ruraux (77 %) et les seniors (75 %).[lire la tribune de Reynald Briec, associé d’EY Avocats]

Tous les acteurs publics ne sont pas soumis à la même pression, estiment toutefois les personnes interrogées. Ainsi, les maires sont perçus comme les acteurs publics les plus exposés dans l’exercice de leurs fonctions aux risques d’une condamnation pénale (61 % des Français estiment qu’ils le sont, dont 73 % des seniors mais seulement 45 % des moins de 35 ans).

Les DGS plus exposés que les ministres et les préfets

Une majorité estime également que les directeurs d’hôpital ou d’établissement médico-social le sont (56 %), tandis que les décideurs publics le moins perçus comme exposés à ces risques sont les préfets, un tiers des citoyens estimant tout de même qu’ils le sont (33 %), contre 42 % pour les ministres. En revanche, 44 % des Français estiment que les directeurs généraux de collectivité locale (DGS) sont exposés aux risques d’une condamnation pénale, soit davantage que les parlementaires (39 %).

Concernant le niveau de la responsabilité pénale des élus locaux dans l’exercice de leurs fonctions, les avis sont très partagés. Ainsi, 51 % des personnes interrogées l’estiment suffisante et 49 % insuffisante. Les plus nombreux à l’estimer suffisante sont les retraités (60 % le pensent) et les ruraux (58 %). Parmi les Français jugeant la responsabilité pénale des élus locaux suffisante, une courte majorité serait favorable à ce que ceux-ci fassent l’objet de condamnations pénales aménagées (56 %). En revanche, moins d’un sondé sur deux souhaiterait qu’ils soient sanctionnés uniquement par des peines d’inéligibilité (43 %). Et seul un cinquième voudrait que les élus locaux bénéficient d’une irresponsabilité pénale totale (20 %).

Quant aux Français percevant la responsabilité pénale des élus locaux comme insuffisante, ils souhaiteraient très majoritairement qu’un large panel de fautes fasse l’objet de condamnations pénales plus sévères : les manquements à la probité (89 %), la mise en danger de la vie d’autrui (89 %), les atteintes à la liberté individuelle (83 %) et l’édiction de mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi (82 %). 

Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop

L’enquête Acteurs publics/EY pour l’Observatoire des politiques publiques réalisée par l’Ifop a été menée par questionnaire auto-administré en ligne les 12 et 13 juillet 2022 auprès d’un échantillon de 1 008 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille) après stratification par région et catégorie d’agglomération.

ANALYSE

La responsabilité civile, administrative et pénale des élus : un cadre juridique non adapté à la réalité des missions

Par Reynald Briec, associé, EY Avocats, France

Avec un interventionnisme croissant de la puissance publique, le rôle des élus s’est largement développé ces dernières années. Pour répondre à la demande de plus d’État, les domaines d’intervention et compétences dont se sont dotés les différentes strates de l’administration ont formidablement évolué en moins d’un quart de siècle.

Cette élévation continue de la place des élus se constate à tous les niveaux de l’administration, du maire au ministre, de la vie locale aux relations internationales. Un phénomène qui s’est accompagné de moyens toujours plus étendus pour répondre à des attentes qualitativement plus complexes. Cette dotation de pouvoirs étant toujours encadrée par des textes, les élus doivent également conjuguer la réactivité qui leur est réclamée pour agir face à la lourdeur administrative.

Aménagements nombreux et variés

Être un élu, en France, au XXIe siècle, n’est pas une chose facile. Nous sommes bien loin des clichés dont sont généralement affublés nos représentants locaux et nationaux.

La conséquence directe de cette prise de responsabilité, c’est bien évidemment la responsabilité juridique qui y est rattachée. Sur ce point, on constatera que la responsabilité d’un élu ne s’arrête pas toujours à son administration et encore moins à son mandat. En cas de manquement à leurs obligations, les élus peuvent être exposés à engager leur responsabilité personnelle. Aucun texte n’a en effet consacré en l’état, et hormis pour le président de la République, l’irresponsabilité des élus.

Il convient toutefois de modérer grandement ce constat. Les aménagements sont en effet nombreux et variés. Précisément, les élus doivent faire face à 3 types de responsabilités : une responsabilité civile, une responsabilité administrative et une responsabilité pénale.

Sur la responsabilité civile, l’élu n’est exposé à une responsabilité de droit commun que pour les fautes qu’il commet en dehors de ses fonctions ou dans le cadre de ses fonctions mais sans rapport avec celles-ci. L’élu, comme les fonctionnaires d’ailleurs, n’est donc personnellement responsable que lorsqu’il commet une faute dite détachable du service, soit une faute personnelle qui pourra être considérée par le juge comme imputable à sa personne et non à sa fonction. Il s’agira d’actes ou de carences révélant une négligence ou une erreur d’une exceptionnelle gravité selon les termes consacrés par la jurisprudence. Il s’agira manifestement des cas où, finalement, l’élu n’a pas agi en tant qu’élu mais dans un but personnel et en dehors de tout intérêt de la collectivité.

Sur la responsabilité administrative, on retrouvera une distinction similaire basée sur la notion de fautes détachables ou non détachables de l’exercice des fonctions. Si l’élu est reconnu coupable d’une faute personnelle, il lui revient de supporter la charge de la réparation du préjudice. À l’inverse, s’il s’agit d’une faute dite de service, la réparation incombe à l’administration à laquelle il est attaché. En d’autres termes, l’élu n’est pas responsable lorsqu’il agit en tant qu’élu.

Sur la responsabilité pénale, on rappellera au besoin que la “loi Fauchon” en 2000, dans un souci de ­clarification mais aussi et surtout afin de circonscrire la responsabilité des élus, a établi une distinction basée sur la causalité. Il doit être établi un lien de causalité direct entre l’acte ou la carence de l’élu et le dommage causé pour que la responsabilité pénale de ce dernier soit engagée. Si le lien de causalité entre une éventuelle faute et le dommage est indirect, la mise en cause pénale de l’élu ne pourra être engagée que si une faute est clairement caractérisée.

Force est donc de constater que l’extension des compétences des élus a été accompagnée d’un aménagement de leur responsabilité juridique pour limiter leur exposition personnelle.

On pourra légitimement s’interroger sur le bien-fondé de ces deux mouvements opposés entre compétences grandissantes d’un côté et responsabilités personnelles amoindries de l’autre.

Un risque majeur d’inaction et de paralysie

La protection fonctionnelle, soit la responsabilité de l’administration en lieu et place de l’élu se comprend pleinement lorsqu’il s’agit, pour ce dernier, de prendre des décisions obligatoires et dans l’intérêt général. Il en sera ainsi, à titre d’exemple, pour les décisions de police du maire au titre de la salubrité publique ou de la tranquillité publique. Les éventuelles conséquences dommageables ne doivent pas permettre d’engager la responsabilité personnelle du maire si celui-ci a, selon l’expression consacrée, accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie. Réviser le régime de responsabilité tel qu’il est aujourd’hui clairement défini, en adoptant une position plus sévère vis-à-vis des élus, présenterait un risque majeur d’inaction et de paralysie de l’administration dans l’exercice de prérogatives essentielles pour l’intérêt général.

Ce même régime de protection fonctionnelle, en particulier sur le plan de la responsabilité civile, est plus difficile à justifier lorsque l’on s’éloigne de missions régaliennes. Lorsqu’il s’agit de l’exercice de compétences facultatives ou non directement rattachables à une mission de service public stricto sensu, les élus ne devraient-ils pas assumer pleinement les responsabilités qui y sont attachées ? La responsabilité civile d’un élu qui aurait engagé à tort sa collectivité dans le financement de services non essentiels ou inutilement coûteux ne devrait-elle pas pouvoir être engagée à l’instar d’un dirigeant d’entreprise qui commet une faute de gestion ? En l’état, l’élu ne doit répondre que des seuls actes qui se détachent matériellement de ses fonctions et de ceux engagés à titre personnel.

La responsabilité des élus est aujourd’hui analysée sous un angle principalement fonctionnel : la faute commise est-elle détachable ou non détachable de l’exercice des fonctions ? Cette vision binaire ne reflète plus la réalité des missions qui sont celles des élus. Le sens-même du mot “responsabilité” (soit l’obligation de réparer le dommage que l’on a causé par sa faute) doit amener le législateur à adopter une vision opérationnelle : la faute commise l’a-t-elle été dans l’exercice d’une mission indispensable pour le bien public ou en dehors d’une mission régalienne ? La finalité en tant que cause légitime apparaît en ce sens beaucoup plus en phase avec la réalité des compétences exercées. 

La question du statut de l’élu : un intérêt très limité
Les débats qui animent régulièrement la classe politique sur le sujet de la responsabilité des élus aboutissent généralement à la question de la création d’un véritable statut pour ces derniers. Certaines dispositions ont été adoptées sans pour autant aboutir à un texte complet (voir notamment le rapport des députés Gosselin et Doucet de 2013 sur le statut de l’élu, la loi de mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat ou encore la loi “Engagement et Proximité” de décembre 2019, qui accroît notamment les droits des élus).
La question n’est pourtant pas là. L’hétérogénéité des élus ne permet manifestement pas de créer un cadre statutaire commun. L’objectif paraît même démesuré. S’agissant spécifiquement de la responsabilité civile et pénale, il apparaît au contraire nécessaire de disposer d’un corpus juridique adapté à la réalité des missions exercées. À l’inverse d’un statut général inapproprié, les élus doivent bénéficier d’un régime sur mesure.

Un régime de responsabilité qui va de pair avec une professionnalisation de la fonction
La responsabilité de l’élu est antagoniste avec la vision de la majorité des Français : un élu ne doit pas être un professionnel de la politique. A priori, être élu n’est pas un métier. À cet égard, la responsabilité d’un élu ne devrait pas être similaire à celle d’un dirigeant d’entreprise. L’élu, nommé pour un temps, est sanctionné le cas échéant par un non-renouvellement de son mandat. Cette vision d’une nécessaire protection fonctionnelle de l’élu pour qu’il puisse mener à bien sa mission d’intérêt général se heurte toutefois à une forme de professionnalisation de cette fonction.
Au-delà de l’extraordinaire évolution de ses missions, notamment sur le champ des ­compétences économiques, le législateur contribue pleinement à cette nouvelle vision de la fonction de l’élu. La loi du 31 mars 2015 a notamment créé un régime indemnitaire renforcé, des garanties de réinsertion à l’expiration du mandat, des droits à formation… et même l’octroi du statut de salarié protégé aux maires. 

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