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Nathalie Makarski (CFE-CGC) : “Il est urgent d’agir sur la fiche de paye des agents”

À quelques jours de l’ouverture des élections professionnelles dans la fonction publique, Acteurs publics est allé à la rencontre des représentants syndicaux pour prendre le pouls d’un événement qui revêt de nombreux enjeux et pour lequel la participation reste la grande inconnue.

Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous à l’approche des élections professionnelles de décembre ?
À l’image de ses 37 syndicats affiliés, la Fédération des services publics CFE-CGC est prête pour cette échéance de démocratie sociale. Après avoir été, depuis le dernier scrutin, aux côtés des agents publics de toutes les catégories professionnelles, notre volonté est de progresser pour être encore plus représentatifs dans les instances de tous les niveaux.

La participation était passée sous la barre des 50 % pour la première fois en 2018. Quelles seraient les conséquences d’une participation encore en baisse ? Ne serait-ce pas un mauvais signal pour le dialogue social ?
La participation est en effet un des enjeux importants de ce scrutin. Nos syndicats sont mobilisés depuis des mois sur cette question. Pour ne pas laisser les employeurs décider seuls de l’avenir de la fonction publique et de ses agents publics, nous œuvrons pour que la participation soit la plus élevée possible. Car voter, c’est agir à tous les niveaux, c’est une action individuelle pour le collectif ! Les agents en décideront ! La représentativité issue des urnes avec un taux de participation élevé crée la légitimité des organisations syndicales et donc de leurs représentants du personnel dans les instances.

La participation observée en 2018 ne peut qu’interroger sur l’avenir du dialogue social dans la fonction publique et sur la légitimité des organisations syndicales à porter les revendications du personnel. Preuve en sont les faibles taux de grévistes enregistrés lors des derniers appels à la mobilisation. Les syndicats doivent-ils revoir leurs moyens et méthodes d’action ?
Le dialogue social a été fortement impacté depuis la mise en œuvre de la loi de transformation de la fonction publique. Rappelons que nous avions voté contre cette loi. Aussi, nos syndicats ont dû s’adapter aux conséquences et au contexte, qui évolue également dans un monde de plus en plus numérique, la communication prenant une place prépondérante. Notre ADN CFE-CGC reste identique : être force de propositions, quand bien même nous saurons dénoncer et nous opposer à des réformes si cela s’avère nécessaire.

L’évolution du champ de compétences des CAP est regrettable et préjudiciable aux agents.

Ne craignez-vous pas une baisse de la participation du fait notamment de la réduction du champ de compétences des commissions administratives paritaires (CAP) ? Votre action au sein de ces commissions était en effet jusqu’à présent l’un des principaux motifs d’adhésion des agents publics à vos organisations syndicales…
L’évolution du champ de compétences des CAP est regrettable et préjudiciable aux agents, car ce sont les représentants du personnel qui ont le plus connaissance de leurs situations individuelles. Cela a obligé les représentants du personnel à travailler différemment. La défense des situations individuelles reste une priorité dans la défense des agents. Nos syndicats ont su aborder ce changement avec beaucoup de force et de détermination.

Quel regard portez-vous sur l’état du dialogue social dans la fonction publique aujourd’hui ?
La Fédération des services publics CFE-CGC est profondément attachée à un dialogue social constructif et respectueux, véritable levier pour faire évoluer les services publics. Celui-ci est plus que jamais nécessaire dans le contexte actuel. La Fédération des services publics CFE-CGC ne cesse d’appeler de ses vœux un dialogue social dans un respect mutuel, dans un rythme permettant à chacun un travail de fond de qualité, avec de l’écoute et la prise en considération des partenaires sociaux.

Un chantier des carrières et des rémunérations sera lancé en 2023. Qu’en attendez-vous ? Quelles sont revendications à ce propos ?
L’engagement au service des autres, ça se paye ! Aussi la Fédération des services publics CFE-CGC demande-t-elle des mesures concrètes pour redonner du pouvoir d’achat aux agents publics. Celui-ci a été trop longtemps en berne, avec notamment une valeur du point d’indice gelée. Il y a urgence à revaloriser le point d’indice au-delà de l’inflation. Dans les futures négociations, nous serons déterminés dans la défense du statut. La Fédération des services publics CFE-CGC sera force de propositions pour faire évoluer les carrières et rémunérations de tous les agents publics car il devient nécessaire de leur redonner confiance afin de reconnaître leur engagement quotidien au service de l’intérêt général.

Le gouvernement souhaite mettre en place des accélérateurs de carrière et développer la rémunération au mérite. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
Dans le statut actuel, ces dispositifs sont déjà en place. La Fédération des services publics CFE-CGC est prête à discuter d’évolutions futures à condition que le statut et l’intérêt des agents publics soient préservés.

Le volet financier est bien évidemment essentiel, dans un contexte où le pouvoir d’achat des agents publics est malmené.

Le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, a fait de l’attractivité l’une de ses priorités. Ce renforcement de l’attractivité de la fonction publique passe-t-il nécessairement par la rémunération ? Ou par quoi d’autre ?
Notre fonction publique est fragilisée par des réformes successives, dont une transformation profonde engendrée par la loi du 6 août 2019. Elle est en souffrance, traversant une crise profonde dans de nombreux secteurs : l’hôpital, l’enseignement, la sécurité, l’administration pénitentiaire, les impôts, les douanes, le social… Son attractivité a fortement chuté. Ce n’est pas l’augmentation de la valeur du point d’indice de 3,5 % au 1er juillet 2022 qui va suffire à lui en redonner. Le volet financier est bien évidemment essentiel, dans un contexte où le pouvoir d’achat des agents publics est malmené. Face à une inflation qui ne cesse de s’accroître, il est urgent d’agir sur la fiche de paye des agents. Tout ce qui contribuera à redonner du sens au travail des agents est une priorité pour la Fédération des services publics CFE-CGC et notamment l’amélioration des conditions de travail et de l’action sociale. La retraite fait aussi partie de l’attractivité. Nous sommes fortement mobilisés sur ces questions et nous saurons nous opposer à des réformes injustes.

Quel regard portez-vous sur l’accroissement de la place prise par les contractuels dans la fonction publique ? Faut-il davantage réguler le recours à ces contractuels ?
Pour la Fédération des services publics CFE-CGC, les contractuels doivent être affectés sur des postes non pourvus par des fonctionnaires. Or, depuis la loi de transformation de la fonction publique, les employeurs ont tendance à recruter massivement des contractuels sans pour autant leur assurer des déroulements de carrière et des rémunérations à la hauteur de leurs compétences. Il y a là un grand chantier à ouvrir.

Notre fonction publique est fragilisée par des réformes successives.

Le nombre de contractuels étant de plus en plus important, faut-il désormais mettre en place une justice prudhommale dans la fonction publique ?
La Fédération des services publics CFE-CGC considère qu’avant toute mise en place, il est nécessaire de faire un bilan des dispositions actuelles.

Quelles sont vos propositions s’agissant de l’égalité professionnelle dans la fonction publique ?
S’apparentant à la politique des petits pas, l’égalité professionnelle doit devenir une condition préalable, une obligation de résultat, pour toutes les politiques publiques pour atteindre collectivement les objectifs et développer une véritable culture de l’égalité. Après le temps des diagnostics, le temps est maintenant à l’action, avec la mise en œuvre de véritables mesures concrètes dans les 3 versants de la fonction publique. Pour les employeurs mauvais élèves, des mesures contraignantes doivent être prises.

Quel bilan tirez-vous du recours au télétravail dans la fonction publique, accentué durant la crise sanitaire et développé depuis ? Et quelles pistes voyez-vous pour la suite ?
Le télétravail s’est massivement développé pendant la période Covid, permettant la continuité des services publics. Les effets d’une mise en œuvre dans l’urgence ont permis de tirer des bilans sur les effets positifs, mais également sur les problématiques nombreuses qu’il a engendrées d’un point de vue individuel et collectif dans le monde du travail. Les pistes d’amélioration sont nombreuses, même si l’accord de juillet 2021 a amélioré ses conditions de mise en œuvre. Des pistes doivent néanmoins encore être explorées. Le télétravail doit être effectif dans les 3 versants, avec une réelle prise en compte par l’employeur des besoins matériels. L’indemnité télétravail doit être majorée et les tiers-lieux doivent être développés.

Propos recueillis par Marie Malaterre

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