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Luc Farré (Unsa) : “La rémunération de tous les agents publics doit être améliorée”

À quelques jours de l’ouverture des élections professionnelles dans la fonction publique, Acteurs publics est allé à la rencontre des représentants syndicaux pour prendre le pouls d’un événement qui revêt de nombreux enjeux et pour lequel la participation reste la grande inconnue. Interview aujourd'hui du secrétaire général de l’Unsa Fonction publique, Luc Farré.

La participation représente un enjeu de taille cette année. Elle était passée pour la première fois sous la barre des 50 % lors du dernier scrutin, en 2018. Quelles seraient les conséquences d’une participation encore en baisse ?  
La responsabilité de la participation dépend des employeurs publics qui ont eu, ou pas, un dialogue social de qualité avec les organisations syndicales pour réussir ces élections. Dans un certain nombre d’endroits, ce dialogue social a été limité et parfois, malheureusement, ce sont les prestaires choisis pour le vote électronique qui ont conduit à prendre des décisions qui n’auraient pas été celles que nous aurions prises. Ce qui nous importe, c’est que tous les agents aient bien reçu leurs identifiants de connexion, qu’ils puissent voter et qu’ils puissent le faire jusqu’au 8 décembre.

Avez-vous des craintes s’agissant du vote électronique, une modalité de vote généralisée cette année dans la fonction publique d’État ? 
Cela se présente normalement dans certains endroits et dans d’autres, non. Ce qui nous inquiète, c’est que tous les agents pourraient ne pas avoir tous les éléments pour pouvoir voter. À l’issue du scrutin, nous verrons ce que les employeurs ont mis en place pour permettre la réussite de ces élections, mais nous regrettons que le dialogue social ait souvent été informatif et non pas réel. Ce fut notamment le cas dans les directions départementales interministérielles, où les syndicats auraient dû être davantage écoutés.

L’avenir du syndicalisme passera par davantage de négociation collective, avec des accords juridiquement opposables.  

La participation observée en 2018 ne peut qu’interroger sur l’avenir du dialogue social dans la fonction publique et sur la légitimité des organisations syndicales. Vos syndicats doivent-ils revoir leurs moyens et méthodes d’action ?  
Notre méthode, c'est celle du dialogue social, pas celle de la chaise vide ni celle de l’opposition systématique. Nous optons donc pour le dialogue en nous mobilisant lorsque c'est nécessaire. Nous sommes surtout prêts à discuter, à échanger et à négocier. Nous avons d'ailleurs fait le choix de soutenir l'ordonnance de février 2021 sur la négociation et les accords collectifs dans la fonction publique. L'avenir du syndicalisme passera en effet par davantage de négociation collective, avec des accords qui seraient juridiquement opposables.  

Ne craignez-vous pas une baisse de la participation, du fait notamment de la réduction du champ de compétences des commissions administratives paritaires (CAP) ? Votre action au sein de ces commissions était en effet jusqu’à ce jour l’un des principaux motifs d’adhésion des agents publics à vos organisations syndicales…
Cela peut en effet jouer sur la participation des agents. Nous nous sommes opposés à la réduction du champ de compétences des CAP. C'est un recul, d'autant plus que l'administration n'est toujours pas en mesure d'assurer l'aspect ressources humaines que les agents sont en droit d'attendre. Les organisations syndicales, pour leur part, ont toujours permis de conseiller les agents, de les aider, de les accompagner et nous continuerons à le faire.  

Quel regard portez-vous sur l’état du dialogue social dans la fonction publique aujourd’hui ?  
Le dialogue social, c'est toujours une affaire de deux partenaires. Nous prônons le dialogue social, et les employeurs publics doivent eux aussi accepter cette carte du dialogue social. Certains ne le font pas suffisamment aujourd'hui. Nous continuerons donc à négocier pour obtenir des avancées permettant d'améliorer le quotidien des agents publics. Que ce soit sur les conditions de travail, sur la qualité de vie au travail, sur l'égalité professionnelles ou les rémunérations, par exemple.

À propos de rémunérations, un vaste chantier des carrières et des rémunérations va être lancé en 2023. Qu’en attendez-vous et quelles sont vos revendications à ce sujet ?  
La rémunération est l'un des enjeux d'attractivité de la fonction publique. La hausse de 3,5 % de la valeur du point d'indice actée en juillet est une première étape, mais cette étape reste insuffisante au regard de l'inflation et du passif lié au gel du point. La rémunération de tous les agents publics doit donc être améliorée, ce qui nécessite notamment que le point d'indice soit réévalué régulièrement en fonction de l'inflation. Au-delà, tous les agents publics, qu'ils soient titulaires ou contractuels, doivent avoir de réelles perspectives de carrière. Nous sommes en faveur d'une fonction publique de carrière statutaire.

L’Unsa considère qu’il faut davantage travailler sur le mérite collectif que sur le mérite individuel.

Le gouvernement souhaite mettre en place des accélérateurs de carrière et développer la rémunération au mérite. Qu’en pensez-vous ?   
La rémunération au mérite et ces accélérateurs de carrière ont toujours fait partie du statut de la fonction publique. On peut bien entendu discuter de leurs modalités de mise en œuvre, mais nous sommes dans ce type de dispositif lorsque l'on change d'échelon par exemple. S'agissant de la rémunération au mérite, l'Unsa considère qu'il faut davantage travailler sur le mérite collectif que sur le mérite individuel. Nous sommes également attachés à la reconnaissance des missions.  

Quel regard portez-vous sur l’accroissement de la place prise par les contractuels dans la fonction publique ? Faut-il davantage réguler ce recours aux contractuels ?  
L'emploi public doit d'abord être l'emploi public statutaire, c'est-à-dire permettant une carrière. Partout où des emplois statutaires existent, alors ceux-ci devraient être offerts à des fonctionnaires. Quant aux contractuels, c'est parfois une vraie bataille pour leur permettre d'avoir une rémunération à la hauteur de leurs compétences et des perspectives de carrière compte tenu de leurs contrats courts. Les contractuels doivent dont être mieux reconnus qu'ils ne le sont aujourd'hui. 

Le nombre de contractuels étant de plus en plus important, faut-il désormais mettre en place une justice prudhommale dans la fonction publique ?  
La question du droit privé et du droit public est très importante, en effet. Mais nous sommes opposés au passage à une fonction publique de droit privé. Nous souhaitons le maintien du droit public pour permettre à l'ensemble des services publics d'effectuer leurs missions avec les obligations du service public. Embaucher des contractuels sur la base du droit public permet d'assurer la permanence du service public auprès des Français.

Nous demandons que des plans “égalité professionnelle” soient mis en place dans toutes les collectivités, dans tous les hôpitaux, dans tous les ministères et dans toutes les administrations.

Quelles sont vos propositions s’agissant de l’égalité professionnelle hommes-femmes dans la fonction publique ?  
Nous nous inscrivons dans le cadre de l'application de l'accord de juin 2018 relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. Nous demandons en particulier que des plans “égalité pro” soient mis en place partout, dans toutes les collectivités, dans tous les hôpitaux, dans tous les ministères et dans toutes les administrations. Nous voulons également voir disparaître les écarts de rémunération entre les filières de métiers.

Quel bilan tirez-vous du recours au télétravail dans la fonction publique, accentué durant la crise sanitaire et développé depuis ? Et quelles pistes voyez-vous pour la suite ?   
L'accord de juillet 2021 sur le télétravail a permis des avancées. Le télétravail est une façon de travailler. Il doit donc d'abord et avant tout être mis en œuvre à la demande des agents et on ne doit pas le leur refuser à partir du moment où le service est assuré. Il faudra tirer le bilan du plan avant d'aller plus loin. Mais si des évolutions devaient advenir, alors cela devrait se faire sur la base de négociations et d'un dialogue social de qualité, de façon à permettre à tous les collectifs et à tous les agents de maintenir la qualité du service public et d'améliorer les conditions de vie au travail. 

Propos recueillis par Bastien Scordia  

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Club des acteurs publics

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