Cédric Villani a rendu un rapport, le 28 mars dernier, sur l’intelligence artificielle (IA). Il a mis en lumière les formidables opportunités que cette dernière représente en matière de santé. Le président de la République en a d’ailleurs pris la mesure et a annoncé un plan spécifique pour donner la priorité à cette nouvelle révolution industrielle. La part technologique est l’affaire des ingénieurs, qui sauront, dans un plus ou moins bref avenir, concevoir et créer des machines intelligentes, véritables compagnons de notre quotidien. En revanche, c’est à nous, société civile, acteurs de la protection sociale et politiques, de définir ensemble les objectifs et d’anticiper les conséquences des changements profonds qui s’annoncent.
Au titre des bonnes nouvelles, avec les algorithmes d’apprentissages, l’utilisation des masses de données liées à la santé va permettre l’émergence d’une médecine plus prédictive, capable d’anticiper les problèmes médicaux du patient et de l’orienter au plus tôt vers les soins les plus adaptés. L’intelligence artificielle permettra à nos politiques publiques de santé et de prévention d’être plus efficaces en ciblant et personnalisant avec un haut degré de précision les populations à risques. Le développement de l’IA peut-être une opportunité pour combattre les inégalités territoriales et répondre à la désertification médicale du monde rural.
La révolution qu’est l’IA doit aussi nous obliger à repenser le rôle des acteurs dans le parcours du patient et à accélérer les transformations de nos organisations. La médecine sans médecin n’aura pas lieu, le professionnel de santé restera toujours nécessaire ; mais son métier et la relation avec son patient ne seront plus les mêmes. Tous devront s’adapter à ces apports technologiques. Jusque dans le monde du travail : le rapport rendu début avril par France Stratégie sur l’impact de l’IA anticipe dans le secteur de la santé une plus grande spécialisation des praticiens en santé et la nécessité de repenser profondément leur formation, jusqu’à prendre en compte, par exemple, l’existence d’un assistant médical qui concourt au suivi de la santé, du prédiagnostic jusqu’aux propositions thérapeutiques.
D’autres questions sont posées par le développement de l’IA. Elles sont d’ordre éthique : l’ouverture des données de santé, si elle s’avère indispensable au développement de l’IA, pose des questions de protection de la vie privée et de cybersécurité importantes. Les géants du numérique, disposant de bases de données considérables, peuvent également, si nous n’y prenons pas garde, constituer une menace sur la souveraineté de nos politiques de santé. C’est aujourd’hui que nous devons décider de la régulation de nos pratiques et de ce qui découle ou non de la bonne conduite en matière d’IA. Le chantier d’actualisation des lois de bioéthique, qui s’ouvre en ce début d’année, doit être le moment pour appréhender ces questions.
En tant que mutualistes chargés de garantir la bonne santé des agents publics dans l’exercice de leurs difficiles et exigeantes missions, il est important, à nos yeux, que les pouvoirs publics et nos adhérents s’emparent du sujet de l’intelligence artificielle afin d’accompagner cette révolution et anticiper ses risques potentiels en toute connaissance de cause.
Pascal Beaubat, président d’Intériale