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Fabien Tastet : “Éviter le déclassement des métiers publics dans les 5 prochaines années”

Le président de l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF) analyse les avancées et les évolutions de l’action publique depuis 2017 et se projette sur le prochain quinquennat. Il faudra, estime Fabien Tastet, installer une “déconcentralisation” et éviter, notamment par le levier des rémunérations, le déclassement des métiers publics. Il faut encore, dit-il, davantage ouvrir les administrations d’État aux profils de terrain.

Vos propositions à l’attention des candidats à la présidentielle seront connues en février, à l’issue d’une grande consultation interne. Quel regard, à ce stade, portez-vous sur ce quinquennat en matière d’action publique et quels enseignements en tirer pour nourrir la campagne présidentielle sur ce sujet ?
Pour s’essayer à l’exercice du bilan, toujours difficile, il faut examiner chacune des 3 dimensions qui conditionnent l’action publique. Il y a d’abord le sujet des politiques publiques. Le sort réservé au projet de loi “3DS” [Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification, ndlr] sera déterminant. Le texte du gouvernement était timoré, les sénateurs l’ont musclé. Pour notre part, nous souhaitons qu’il promeuve une véritable “déconcentralisation”, un concept que nous avons forgé, qui fait florès et postule un renforcement combiné des compétences des collectivités locales et de l’État territorial. Ensuite, il y a la question des moyens financiers. Nous trouvons que la réflexion budgétaire et fiscale ressemble à une belle endormie. La politique des “contrats de Cahors”, c’est un peu court pour incarner une vision. Nous vivons des temps exceptionnels, il faut réveiller le debat autour des finances publiques, faire preuve d’audace. Nous avons déjà mis un certain nombre de propositions détonnantes sur la table (assujettissement des collectivités locales à la TVA, CSG locale, séparation de l’impôt foncier des entreprises et des ménages, “impôt Amazon”, fiscalité de résistance, etc.). Enfin, il y a la question des hommes et des femmes du service public. De ce point de vue, des choses ont été faites sous ce mandat et de véritables avancées sont à saluer.

Nombre de vos propositions ont été reprises dans la réforme de la haute fonction publique. Êtes-vous satisfait du projet actuel ? Comment aller plus loin dans les années à venir ? 
Nous soutenons le projet du gouvernement, qui reprend en effet nombre de nos propositions. Il permettra au pays de disposer d’une haute fonction publique plus représentative de la société française, plus féminisée, plus opérationnelle, vecteur d’ascension sociale, développant le sens de la proximité, l’ouverture d’esprit et favorisant un fonctionnement plus collectif entre administrations d’État, des collectivités locales et de l’hôpital. Nous avons été entendus et nous ne boudons pas notre plaisir. Pour autant, nous avons des points de vigilance que nous avons évoqués très directement avec la ministre [de la Transformation et de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, ndlr] à l’occasion de notre congrès de septembre. J’en citerai un : l’attractivité de la fonction publique et de la haute fonction publique. Si nous voulons éviter le déclassement de nos métiers dans un pays qui, malgré la parenthèse de la crise du Covid, reste sévère vis-à-vis de ses fonctionnaires, il faut actionner plusieurs leviers, notamment celui de la rémunération.

Lorsque les administrations d’État sont moins endogamiques et s’appuient sur davantage de profils de terrain, les Français sont gagnants.

Vous évoquez un label “hauts fonctionnaires territoriaux” qui s’est imposé. Les parcours seraient-ils pour autant totalement fluides entre État et territoriaux ? Cabinets ministériels, sous-préfets à la relance... Les cadres territoriaux infusent-ils le haut niveau des administrations ?
Honnêtement, le chemin parcouru est immense. Il y a quelques années, personne ne parlait de la haute fonction publique territoriale. Désormais, ce label s’est imposé. Désormais, tous les postes à responsabilité dans les 3 grands secteurs de l’administration que sont l’État, les collectivités locales et l’hôpital sont ouverts à égalité de droits aux membres des 3 versants de la haute fonction publique. Les hauts fonctionnaires territoriaux n’ont jamais été aussi nombreux dans les administrations d’État. Regardez la préfectorale, où des administrateurs territoriaux sont préfets, préfets à l’egalité des chances, sous-préfets à la relance, secrétaires généraux de préfecture, etc. Il y a peut-être encore les postes de directeurs d’administration centrale qui nous sont plus difficiles d’accès, mais les choses vont évoluer. Tous ces résultats sont le fruit d’un long travail d’influence de l’association, mais aussi de l’écoute attentive de ce gouvernement. À la fin, lorsque les administrations d’État sont moins endogamiques et s’appuient sur davantage de profils de terrain, les Français sont gagnants.

La création d’emplois d’experts de haut niveau à partir de 40 000 habitants est-elle une avancée ? Que demandez-vous d’autre, que proposez-vous alors que la campagne présidentielle démarre ? 
Que d’énergie déployée depuis huit ans en courriers, rendez-vous, interpellations, mais le résultat est là ! Désormais, les collectivités locales pourront créer ces postes qui permettront de développer des parcours ascensionnels, de faire progresser l’égalité professionnelle femmes-hommes, l’égalité des chances et de sécuriser les retours de mobilité interversants. Sur ce dernier point, nous attendons d’ailleurs des mesures complémentaires. En matière de haute fonction publique, il n’y a plus beaucoup de propositions, dans la besace de l’AATF, qui n’aient été mises en œuvre par les pouvoirs publics ou qui ne soient à l’étude !

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