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Second tour : le benchmark des propositions pour l’État et les services publics

Fonction publique, décentralisation, numérique, réforme de l’État, accès aux services publics… Passage en revue des propositions des deux candidats qualifiés pour le second tour de la présidentielle.

Fonction publique

Emmanuel Macron.“La confiance passe nécessairement, d’abord, par une meilleure reconnaissance des agents publics”, explique le Président-candidat dans nos colonnes, en mettant notamment en avant la nécessité de “mieux reconnaître et mieux rémunérer l’engagement collectif et individuel”. Outre la promesse d’un dégel de la valeur du point d’indice avant l’été, Emmanuel Macron s’engage aussi à “rebattre les cartes” de la rémunération dans la fonction publique “pour rendre les carrières plus attractives et les progressions de carrière plus différenciées”. S’il est réélu, il souhaite engager une négociation sur les carrières et les rémunérations. Le Président sortant, pour rappel, promet aussi d’augmenter le salaire des enseignants en échange de nouvelles missions. Emmanuel Macron n’annonce pas de nouveaux chantiers statutaires néanmoins, contrairement à ce qu’il avait fait lors de la campagne de 2017 et qui avait abouti à la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019. Une loi qui avait notamment élargi les possibilités de recours aux contractuels. Dans la droite ligne des concours “Talents” mis en place pour l’accès aux écoles de service public, Emmanuel Macron compte aussi développer les voies d’entrée au service public. Et ce, notamment, par la “valorisation” de l’apprentissage qui, selon lui, “pourrait constituer une voie alternative au concours pour intégrer certains métiers du service public” ou encore par la “validation de l’expérience pour offrir des parcours moins cloisonnés et plus diversifiés”.  

Marine Le Pen. La candidate du Rassemblement national (RN) promet des revalorisations ciblées, notamment dans le secteur hospitalier, avec 2 milliards d’euros sur cinq ans pour revaloriser les rémunérations du personnel soignant ainsi qu’une hausse de 10 % de la rémunération des infirmiers. Marine Le Pen prévoit aussi une augmentation de 3 % par an pour les enseignants. À la différence de ce qu’elle avait fait en 2017, en revanche, elle ne propose aucune revalorisation du point d’indice de la fonction publique. Outre ces questions de pouvoir d’achat, la candidate du RN entend surtout revenir sur la réforme de la haute fonction publique et, en particulier, faire marche arrière sur la suppression des corps d’inspection, préfectoral et des diplomates. “L’exercice de certaines fonctions nécessite une expérience confirmée, qui ne s’acquiert pas en « butinant » d’un emploi à l’autre, ni en fonction de la proximité avec le pouvoir politique, et pas davantage par le viatique d’un passage dans le secteur privé”, dit-elle dans nos colonnes. Une promesse dans la droite ligne de sa volonté de “restaurer l’autorité” de l’État.  

Décentralisation 

Emmanuel Macron. Le Président-candidat l’a expliqué dans nos colonnes : il promet de faire de la proximité la “boussole de notre action publique” s’il est reconduit pour un second mandat. Alors que la loi 3DS (Décentralisation, Différenciation, Déconcentration et Simplification) n’a pas été le “nouvel acte de décentralisation” qu’il avait initialement promis, Emmanuel Macron s’engage aujourd’hui à porter la mise en œuvre du droit à la différenciation. Il met aussi l’accent sur “la capacité à décider au plus proche du terrain”. À ce propos, il souhaite “rapprocher les grandes régions des bassins de vie” ainsi que le département et la région “pour une plus grande simplicité et territorialisation de nos politiques publiques”, notamment par la création du conseiller territorial. En cas de réélection, Emmanuel Macron promet également d’accorder “une plus grande confiance” aux communes et aux intercommunalités avec “plus de missions et plus de moyens”, notamment en matière de logement. Dans une lettre qu’il a récemment adressée aux maires, le Président-candidat leur promettait aussi une “organisation à la carte” (avec une possibilité de suppression d’échelons et de modification de périmètre). À titre d’exemple, lors de sa conférence de presse du 17 mars, Emmanuel Macron s’était notamment dit ouvert à une fusion de la métropole de Nice et du département des Alpes-Maritimes. Sur le plan des finances locales, le Président sortant promet une sanctuarisation des dotations mais aussi une compensation “à l’euro près” de la suppression – qu’il vise – de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Un effort de 10 milliards d’euros d’économies sera toutefois demandé aux collectivités territoriales s’il est réélu. Plusieurs pistes sont sur la table pour y parvenir : la réactivation des “contrats de Cahors” pour réduire les dépenses de fonctionnement des collectivités, voire la limitation de l’augmentation de leurs recettes via un encadrement pluriannuel pour constituer des réserves.

Marine Le Pen. Favorable à la différenciation (“pourvu que la cohésion nationale n’en souffre pas”), la candidate du Rassemblement national entend “redonner une plus grande liberté” aux communes et leur permettre de s’organiser “comme elles l’entendent à chaque fois que ce sera possible”. “J’ai toujours affirmé mon attachement aux communes, cellules de base de notre démocratie, et j’ai donc formulé des réserves sur la politique de renforcement autoritaire des intercommunalités, souligne-t-elle dans nos colonnes. Je crois donc nécessaire, d’abord, de geler la situation en ce domaine.” Concernant les autres échelons, Marine Le Pen propose de “remodeler” le découpage “insensé” des régions mis en place en 2016. Elle estime aussi nécessaire de “s’interroger sur la pertinence du cadre départemental actuel”. Mais, poursuit la candidate RN, “je ne crois cependant pas utile de bouleverser encore une fois et trop rapidement notre organisation territoriale”. Si elle accède à la fonction suprême, elle promet ainsi une réflexion “au long cours, en vue d’aboutir à une solution autant que possible consensuelle en vue d’une mise en œuvre à l’occasion des élections territoriales de 2028”. Autre piste avancée par Marine Le Pen : la recentralisation de certaines compétences, dont les transports. “Les impératifs d’un meilleur aménagement du territoire le nécessiteront”, explique-t-elle.  

Numérique public  

Emmanuel Macron mise sur un second quinquennat pour concrétiser son projet d’”administration proactive”. Le Président-candidat promet un grand chantier d’automatisation des aides, pour instaurer la “solidarité à la source” : “pour simplifier les démarches parfois répétitives et inutiles, pour lutter contre le non-recours, pour faire gagner du temps aux usagers et aux agents, nous ferons en sorte que les citoyens qui ont le droit à certaines aides puissent les recevoir automatiquement”, développe-t-il dans un entretien pour Acteurs publics. Sur la dématérialisation des démarches, Emmanuel Macron défend son approche “multicanale” et souhaite non seulement conserver des accès physiques en développant les espaces France services, mais également créer un numéro de téléphone unique du service public pour répondre à toutes les questions et accompagner sur toutes les démarches et les difficultés rencontrées”, et prendre des engagements en termes de délais de réponse. Par ailleurs, 20 000 aidants seront déployés pour accompagner les Français dans leurs démarches en ligne, sans que son programme ne précise quel serait leur statut. 

Marine Le Pen. La candidate du RN défend elle aussi une transformation numérique non excluante. “On doit aller aussi loin que possible dans la numérisation, pour autant que cela facilite la vie des citoyens, mais on doit toujours garantir à ceux qui ne sont pas suffisamment « connectés » l’accès à un contact humain. J’insiste sur la priorité qui doit être donnée à l’accès au plus grand nombre de services publics, et d’abord au niveau des mairies”, affirmait Marine Le Pen dans un entretien pour Acteurs publics. Une politique “volontariste” de lutte contre l’illectronisme sera en outre menée, promet-elle, en mettant fin aux zones blanches sans réseau et en renforçant la présence de points de connexion dans les mairies et préfectures. Mais aussi en mobilisant les médiateurs numériques, sans préciser davantage comment. 

La candidate est en revanche plus prolifique sur la question de la souveraineté numérique.“Il faut avant tout favoriser l’émergence d’acteurs français ou européens dans tous les domaines du numérique. Cela passe par davantage de recherche scientifique, par des aides ciblées en faveur des entreprises du numérique, mais aussi par la priorité à donner aux fournisseurs français ou européens”, est-il écrit dans son programme. Marine Le Pen propose d’orienter les achats publics uniquement vers les fournisseurs français, dans les domaines militaire et de sécurité nationale, et de privilégier les fournisseurs européens pour tous les autres domaines. Mais aussi d’imposer un “contrôle strict” des rachats d’entreprises françaises. Quant aux données des Français, des entreprises et des services publics nationaux, elles devront obligatoirement être hébergées en France ou dans l’Union européenne, par des fournisseurs de cloud français ou européens. 

Réforme de l’État, services publics…

Emmanuel Macron. Le Président-candidat centre son programme en matière de services publics sur la proximité territoriale. Son état d’esprit est moins disruptif que lors de la campagne de 2017 ou lors du quinquennat, marqué par de nombreuses transformations dans la sphère publique. Dans la lignée des chantiers déjà engagés au cours des cinq dernières années, Emmanuel Macron souhaite ainsi renforcer la présence de l’État dans les territoires. Comment ? Par plus de déconcentration, par le redéploiement d’agents et de services de l’État dans les territoires ou encore par la réouverture de sous-préfectures. Il souhaite en effet que les élus soient “davantage accompagnés par l’État territorial”, mais aussi leur donner “de nouveaux moyens d’ingénierie”. Avec le succès du dispositif “France services”, le Président sortant promet de donner un nouveau coup d’accélérateur au renforcement de la présence des services publics dans les territoires, mais aussi des démarches de simplification. “Nous devons poursuivre ce mouvement de simplification et de plus grande proximité”, dit-il dans nos colonnes. Et d’avancer plusieurs promesses en ce sens dont celle visant à “disposer d’un service public à moins de 30 minutes de son domicile avec des agents polyvalents, capables de renseigner les usagers sur toutes les démarches”.

Marine Le Pen. Pas de “grand soir” ni de “grand-messes” pour la réforme de l‘État chez la candidate RN. “Tout ce qui concourt à rendre l’État plus efficace à moindre coût est naturellement souhaitable, pour autant, vous l’avez compris, que l’on ne désarme pas la puissance publique et que l’on renforce la protection que les citoyens sont légitimement en droit d’attendre de leur État national”, explique-t-elle dans un entretien pour Acteurs publics. Elle mise donc d’abord sur la bonne application des textes existants par les ministres, sur la transmission d’instructions “rationnelles” aux agents et sur l’utilisation de “toute la gamme d’instruments juridiques dont ils disposent”. La candidate se montre toutefois très critique vis-à-vis d’un “culte de la Lolf” et de son pilotage par la performance. “Il est temps de redéfinir nos objectifs, et de ne pas sacrifier les politiques à long terme au bénéfice d’économies médiocres qui ne colmateront pas seules le tonneau des Danaïdes de nos déficits”, explique-t-elle. Son programme ne contient néanmoins aucune proposition concrète en matière d’organisation de l’État et de transformation publique, à l’exception de la création d’un ministère d’État de la Mer et de l’Outre-mer et d’un ministère “de la lutte contre les fraudes” fiscales et sociales.  

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Club des acteurs publics

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