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Émilie Agnoux : “Le numérique doit renforcer le lien de confiance entre administrations et citoyens”

Prendre en compte les besoins et capacités des utilisateurs, apporter une plus-value, être inclusif : le numérique doit apporter une réponse aux besoins des habitants, renforcer la citoyenneté et le lien de confiance entre administrations et usagers, analyse la directrice générale adjointe Transformations et Parcours de Grand Paris Sud Est Avenir, qui coorganise la rencontre régionale "IntercoTour Ile-de-France", le 5 juillet, sur le thème : "Le numérique public au service des usagers du quotidien". 

Vous organisez un événement sur le numérique public au service des usages du quotidien. Quel est l'état des lieux : le numérique n'est-il pas suffisamment décliné dans la mise en œuvre des politiques publiques locales et des services publics locaux ? 
Le numérique a investi tous les champs de nos vies, et les confinements successifs liés au Covid n’ont fait qu’accélérer cette tendance. Bien évidemment, les citoyens sont aussi en attente de pouvoir accéder plus facilement aux services publics, réaliser simplement leurs démarches en ligne, optimiser leurs déplacements, faire remonter des problèmes aux administrations, être informés en temps réel des événements sur leur commune ou de l’affluence dans les équipements publics… a fortiori quand les services numériques en ligne se développent dans le secteur privé. 
Les applications et portails usagers ou citoyens apparaissent de plus en plus comme des modalités incontournables d’action publique. Toutes les administrations n’ont pas les mêmes moyens humains, financiers, techniques pour le faire, mais elles n’ont pas non plus forcément les mêmes besoins et ne s’adressent pas aux mêmes publics. Chaque administration, chaque collectivité, doit donc définir et coconstruire sa stratégie, ses outils et ses usages. 
Le numérique doit se mettre au service de l’amélioration de la qualité de service, de la réponse aux besoins des habitants, mais aussi du renforcement de la citoyenneté et du lien de confiance entre administrations et citoyens. Le numérique peut faciliter la vie quotidienne, mais il peut aussi parfois la rendre plus complexe. L’accessibilité des services publics doit rester la priorité. L’État a joué un rôle d’impulsion et de facilitation, notamment par l’intermédiaire de la DINUM (qui sera présente à l’événement), et de dispositifs de type France connect. Mais il reste encore beaucoup à faire. La matinée du 5 juillet nous permettra ainsi d’échanger autour de ces enjeux. 

Il ne peut y avoir de services publics numériques bien conçus sans prise en compte des besoins et des capacités des utilisateurs

Comment accélérer ? 
Je ne sais pas s’il faut rechercher l’accélération. Je dirais qu’il est surtout primordial de s’intéresser à l’impact réel de ces évolutions et à la manière de décliner un numérique public qui soit utile, c’est-à-dire apportant une plus-value, et inclusif, qu’il soit conçu pour être accessible par toutes et tous. Parmi les enseignements paradoxaux de la période dans laquelle nous sommes entrés, il y a aussi l’expression d’un besoin fondamental, celui de renouer des liens et de la relation humaine. 
Si on veut mettre réellement le numérique au service d’une relation renouvelée entre les services publics et les citoyens, il y a une question de méthodes. Il ne peut y avoir de services publics numériques bien conçus sans prise en compte des besoins et des capacités des utilisateurs. Le numérique public doit être une occasion d’augmenter le pouvoir d’agir des citoyens. L’ergonomie des outils, qui prend en compte les usages réels, est une condition indispensable de satisfaction de l’utilisateur. Avec les expériences menées depuis des années, nous disposons maintenant d’un certain recul sur ce qui fonctionne bien et ce qui a échoué. C’est indispensable de pouvoir partager ces réussites et ces échecs, de mutualiser les moyens et les connaissances par exemple à l’échelle intercommunale, de développer la culture numérique au sein des administrations et parmi les décideurs politiques et stratégiques, de former largement les agents, d’intégrer la dimension numérique de manière transversale à toute l’organisation. Cela pose des défis politiques, organisationnels et managériaux fondamentaux, et qui ne sont pas évidents. 
Enfin, il ne faut pas mésestimer d’autres enjeux posés par le numérique public qu’ils soient éthiques, démocratiques, écologiques ou encore de souveraineté. Plus de numérique, c’est aussi plus de vulnérabilités collectives potentielles, liées à l’empreinte écologique du numérique et aux risques de cyber-attaques. Il faut donc aussi pouvoir s’en passer. Ce sera tout l’enjeu du dernier temps de la journée du 5 juillet qui portera sur un exercice prospectif et qui nous projettera sur des scénarios extrêmes : de vies en mode tout numérique à des vies sans numérique. 

Le numérique ne doit être qu’une voie d’accès possible aux services publics, et non pas l’unique voie d’accès

Quelles sont les méthodes ? Quels accompagnements, notamment en matière d’inclusion ? 
Une étude de l’INSEE a révélé qu’en 2021 une personne sur trois a renoncé au moins une fois à une démarche en ligne. En 2019, une autre étude de l’INSEE révélait que 17% de la population française souffre d’illectronisme. C’est dire l’enjeu pour les services publics qui doivent à la fois concevoir des outils numériques inclusifs, mais aussi accompagner les Françaises et les Français dans la maîtrise de ces usages, y compris pour leur vie personnelle ou professionnelle. 
Cela passe bien sûr par la mise à disposition d’outils. Mais qu’en faire quand on ne sait pas s’en servir, qu’on manque de confiance ou de compétences ? L’inclusion numérique devient aujourd’hui une mission de service public essentielle. Nous le voyons par exemple dans nos médiathèques qui sont de plus en plus des lieux ressources pour accéder et se former au numérique. Ce sera le thème de la première table-ronde de l’après-midi du 5 juillet. 
L’offre d’inclusion est inégalement répartie sur les territoires, souvent mal connue, peu coordonnée entre les différents acteurs, insuffisamment personnalisée et les bénéficiaires ne font pas toujours l’objet d’un accompagnement dans la durée quand ils le nécessiteraient. Là encore, l’État met en place des dispositifs de type Pass numérique, aidants connect ou conseillers numériques pour encourager et faciliter le développement de l’offre. Mais si nous voulons accroître l’impact de notre action en la matière, nous ne pouvons pas nous passer d’une stratégie concertée et d’une coordination locale entre acteurs. C’est tout le sens de la démarche que nous avons initiée sur notre territoire en menant un diagnostic numérique avec d’autres acteurs institutionnels et associatifs pour connaître les besoins et les dispositifs d’accompagnement existants et identifier les pistes d’amélioration. 
Enfin, pour pouvoir toucher un maximum de personnes, chaque interaction avec les citoyens peut être une occasion de donner accès et de former à la maîtrise du numérique. C’est par exemple le cas à travers notre Micro-folie mobile qui va à la rencontre des habitants. La culture peut être un moyen détourné, désinhibant, pour monter en compétences et prendre confiance. Ce n’est pas un hasard si nous organisons notre événement dans l’enceinte du conservatoire à rayonnement régional de Créteil !
Mais il ne faut pas oublier que le numérique ne doit être qu’une voie d’accès possible aux services publics, et non pas l’unique voie d’accès. Il est nécessaire de maintenir le choix pour les citoyens, en passant par la voie téléphonique, numérique, papier ou physique. C’est à cette condition que nous pourrons déployer de nouveaux services publics numériques de manière apaisée et réellement démocratique. 

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Club des acteurs publics

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