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Effectifs, intéressement… Les recettes de la Rue Cambon pour une meilleure gestion RH

“Les marges d’économie sont étroites et relèvent plus que jamais d’une transformation profonde des modes de gestion des ressources humaines, de l’organisation des administrations et de l’appropriation des gisements de productivité”, explique la Cour des comptes dans son rapport sur les finances publiques, publié ce jeudi. Un rapport où elle identifie plusieurs leviers pour moderniser la gestion RH des administrations.

Il faut (enfin) construire une trajectoire des finances publiques “soutenables et durables”. Voilà l’appel que lance la Cour des comptes dans son nouveau rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, publié ce jeudi 7 juillet. Ce qui, selon la Rue Cambon, passera notamment par une modernisation de la gestion des ressources humaines au sein des administrations publiques.

“La masse salariale et les effectifs des administrations ont connu une progression continue au cours des dernières années, progression qui ne contribue pas à la maîtrise globale de la dépense publique et qu’il convient dès lors de mieux piloter en usant de tous les leviers de la gestion des ressources humaines”, soulignent les magistrats financiers dans leur rapport. Avant d’ajouter : “Les marges d’économie sont étroites et relèvent plus que jamais d’une transformation profonde des modes de gestion des ressources humaines, de l’organisation des administrations, de l’appropriation des gisements de productivité…” 

Les facteurs d’évolution de la masse salariale du secteur public sont les mêmes que ceux détaillés il y a quelques jours par la même Cour des comptes sur l’exécution du budget de l’État en 2021. À savoir, notamment, l’effet des mesures catégorielles (avec l’application du protocole PPCR), mais aussi l’impact du déroulement de carrière des fonctionnaires et du glissement vieillesse technicité (GVT). 

Augmentation des moyens sans contrepratie organisationnelle

Au total, au cours des dix dernières années, la progression moyenne annuelle de la masse salariale de la fonction publique était ainsi de 1,64 %. Cela, critique la Cour des comptes, “reflète la préférence accordée au recours à l’augmentation des moyens (effectifs et rémunérations) plus qu’à la recherche continue d’une amélioration de l’efficience du service rendu via une optimisation de l’organisation des administrations publiques”.

Les mesures catégorielles récemment mises en œuvre sont notamment pointées du doigt par les magistrats financiers, celles-ci n’ayant “que très rarement fait l’objet de contreparties d’ordre systémique, qu’il s’agisse de l’organisation des services, de modernisation des modes de travail ou enfin du temps de travail”. La Rue Cambon cite l’exemple du protocole PPCR de 2015, “qui n’a pas été conditionné à des contreparties négociées par chacune des administrations”. Également cité, le cas du ministère de l’Éducation nationale, dont la masse salariale a progressé de 12 milliards d’euros en dix ans (soit plus de 20 %) “sans modification significative de l’organisation”, en particulier du temps de service des enseignants. 

Le constat de la Cour des comptes est donc sans appel, l’institution pointant la difficulté des administrations à “piloter efficacement” leur masse salariale. La Rue Cambon appelle ainsi ces administrations à une “mobilisation déterminée” de tous les leviers de maîtrise de la masse salariale au cours des prochaines années. D’autant plus en sachant que cette masse salariale a d’ores et déjà vocation à être supérieure aux prévisions, sous le poids notamment des mesures sectorielles, mais aussi du dégel du point d’indice qui vient d’être décidé ou de la prise en charge de la complémentaire santé des agents publics. 

Fixer des objectifs d’évolution de la masse salariale 

Pour la Cour, l’amélioration de la gestion RH passera tout d’abord par des objectifs et une gouvernance “plus efficaces et partagés”. L’occasion, de nouveau, pour la Rue Cambon de pointer l’abandon de l’objectif fixé par Emmanuel Macron en 2017 de supprimer 120 000 emplois dans la fonction publique dont 50 000 à l’État. À ce propos, les magistrats financiers appellent à fixer un objectif d’évolution de la masse salariale “global, pluriannuel et documenté” dans la prochaine loi de programmation des finances publiques. Un objectif que la Cour préconise d’exprimer en valeur nominale (à savoir en milliards d’euros) plutôt qu’en pourcentage du PIB. 

Cet objectif, ajoute la Cour, “devrait être décliné en sous-objectifs selon les différentes catégories d’administrations publiques et faire l’objet d’une concertation préalable avec les représentants des collectivités locales et les partenaires sociaux”. Aux yeux de la Cour des comptes, des objectifs pluriannuels de masse salariale pourraient aussi utilement faire l’objet d’une contractualisation avec les entités concernées. 

Anticipation des départs à la retraite

S’agissant plus précisément des leviers RH qu’elle identifie, la Cour des comptes voit notamment des “gains en emploi” qui pourraient découler de l’application des dispositions de la loi de transformation de la fonction publique de 2019 en matière de temps de travail. c’est-à-dire de l’obligation pour les collectivités territoriales de respecter les 1 607 heures de travail annuelles. 

Il est aussi “indispensable d’inscrire les mesures en effectifs dans une stratégie de gestion à long terme des emplois (GPEC) et d’éviter de procéder par à-coups successifs”, explique la Rue Cambon. Et ce notamment dans le contexte démographique de vieillissement de la population de la fonction publique. Les nombreux départs à la retraite à venir, explique en effet la Cour, “peuvent permettre la mise en place de nouveaux modes d’organisation et de mobiliser les gisements d’efficience et de productivité issus des outils numériques et innovants”. 

Développement de l’intéressement collectif 

Dernier levier de taille identifié par la Cour : la politique salariale au sein de la fonction publique. “Tout projet de revalorisation catégorielle devrait s’accompagner d’une obligation de négocier afin de définir des contreparties en termes d’efficience et de transformation des services publics”, explique la Cour, en citant, dans les contreparties possibles, le temps de travail et les mutualisations. 

Pour la Rue Cambon, la généralisation du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (Rifseep) doit aussi “être menée à son terme pour permettre de reconnaître le niveau de responsabilité des postes occupés et de récompenser la manière de servir individuelle des agents”. 

Aux yeux des magistrats financiers, l’intéressement collectif dans la fonction publique mériterait ainsi “d’être développé davantage, dans son quantum et son champ d’application”. Une proposition qui fait écho au souhait du gouvernement de développer cet intéressement collectif (mais aussi individuel) dans la fonction publique, au travers notamment de la rémunération au mérite. Promis par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, ce grand chantier des rémunérations des agents publics sera lancé à la rentrée. 

Des mesures spécifiques pour les agents
les moins bien rémunérés

La Cour des comptes profite de son rapport pour revenir aussi sur la question des revalorisations générales et donc du dégel du point d’indice, dont l’exécutif veut augmenter la valeur de 3,5 % au 1er juillet. Un tel dégel, indiquent les magistrats financiers, est justifié “compte tenu de la montée de l’inflation”. Mais, poursuivent-ils, “cela ne devrait pas conduire à renoncer à une démarche d’évolution différenciée en fonction des priorités sectorielles telles que la justice, la sécurité, l’éducation ou, plus récemment, la santé, ni à la mobilisation d’outils permettant une meilleure individualisation des situations et une gestion dynamique des ressources humaines”.  

Cette même tension inflationniste, ajoute la Rue Cambon, doit aussi “conduire à porter une attention renouvelée aux agents les moins bien rémunérés”. Le tout “par des mesures qui leur soient spécifiques au lieu de mesures générales ne répondant qu’imparfaitement à leur besoin”.

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