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DRH des grandes collectivités et FP21 : “Apporter les croissants n’est pas un outil managérial”

Regards croisés des jeunes agents publics et des DRH des grandes collectivités pour un management public du XXIe siècle et une fonction publique attractive. Par Sarah Deslandes, vice-présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités, Johanne Fora-Porthault, secrétaire générale de l’association FP21, Mathilde Icard, présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités et Lucila Modebelu, présidente de FP21.

Mathilde Icard, présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités, et Lucila Modebelu, présidente de l’associationFP21.

Parmi les défis actuels que doit relever la fonction publique territoriale, figure la nécessité d’attirer les jeunes. Le dernier rapport annuel de la DGAFP pointe un tiers des agents territoriaux qui partent à la retraite d’ici 2030, à quoi s’ajoute, selon France Stratégie en mars 2022, une tension sur les métiers de cadres de 10 % et un trop faible nombre de jeunes qui rejoignent le secteur public. La situation est désormais critique.

Les candidatures sur des postes qualifiés diminuent progressivement. Les managers équilibristes n’arrivent plus à concilier le manque de ressources humaines et financières et les enjeux fondamentaux de service public. Certains sont d’ailleurs amenés à proposer des externalisations de service pour ces raisons ; on fait le pari, ou plutôt l’hypothèse, que le secteur privé réussira à mieux recruter et à offrir des conditions de travail supérieures. Plus de 25 000 offres d’emploi sont proposées sur la Place de l’emploi public par les collectivités. Mais où sont les jeunes ?

D’abord, ils sont rares à répondre aux offres d’emploi. Sur les 251 métiers proposés, ils n’en connaissent que très peu. Une enquête conduite par la DITP [la direction interministérielle de la transformation publique, ndlr] en 2021, accessible en annexe du dernier rapport sur l’attractivité de la fonction publique territoriale, en témoigne : si 30 à 40 % des jeunes répondants connaissent les métiers territoriaux d’animateur, de jardinier, d’urbaniste et de responsable RH, les autres métiers sont totalement méconnus.

La connaissance des différentes voies d’accès à la fonction publique territoriale (FPT) est, elle aussi, très imparfaite. Certes, plus de la moitié des répondants identifient le concours ou la réponse aux offres d’emploi comme une voie de recrutement, mais ils sont encore 9 % à penser qu’il faut connaître un élu pour se faire recruter.

Alors, outre la nécessaire communication sur les métiers territoriaux, comment motiver les jeunes à nous rejoindre ? L’association FP21 et l’Association des DRH des grandes collectivités proposent aujourd’hui quelques actions essentielles à mettre en œuvre. 

La jeune génération est pour une administration congruente !

L’enquête de la DITP approfondit la question. Conclusion : “Les motivations personnelles l’emportent sur le service public.” Alors comment les jeunes, engagés dans les transitions écologique et sociale, pourraient-ils ne pas être intéressés par le service public ? Ce qu’on lit entre les lignes, c’est que les jeunes ne sont pas convaincus que l’environnement professionnel offert par la FPT va répondre à leurs attentes : se sentir reconnus, écoutés et autonomes, pouvoir organiser leur travail avec flexibilité. Ils doutent de l’ouverture d’esprit et de la flexibilité des employeurs territoriaux.

Ce qu’il est urgent de valoriser, c’est une fonction publique moderne, citoyenne, démocratique, inclusive, numérique, écologique, innovante, au sein de laquelle on trouve l’épanouissement, la créativité, la réalisation, la liberté. Les aspirations des jeunes générations d’agents publics sont aussi fortes que les mutations à l’œuvre, les crises endémiques, dont les conséquences forcent à constater qu’un levier majeur de l’attractivité repose sur le fait de savoir répondre, vite, à des besoins élémentaires (re)devenus d’actualité : valoriser, rémunérer, assurer la sécurité des conditions de travail, accompagner les prises de poste, communiquer, former. Beaucoup d’aspects qui, dans une organisation, ne peuvent s’incarner sans l’alliance des RH aux managers et vice et versa. 

Image et cohérence

Montrer les avantages du service public, ses métiers, son utilité, sa présence territoriale, sa diversité d’actions, ce pourquoi la fonction publique peut être fière, implique d’en dépoussiérer l’image. Si elles aspirent à plus de “sens”, les jeunes générations aspirent aussi à la cohérence : l’affiche doit être à la hauteur des attentes qu’elles suscitent. La jeune génération est pour une administration congruente !

Concrètement, il nous faut clarifier le cadre interne et externe autour duquel le nouveau venu s’intègre à la collectivité en s’appuyant davantage sur les réseaux locaux d’écoles et d’employeurs publics. Il nous faut renforcer nos logiques de partenariat pour créer une démarche d’intégration incarnée en associant élus et direction générale et enfin autoriser les agents à créer eux-mêmes les solutions adaptées aux problématiques techniques rencontrées, développer les ateliers appliqués de construction, ouvrir des espaces expérimentaux dédiés au prototypage par exemple. En cas d’absence ou pendant les congés, c’est aussi proposer des intérims aux jeunes managers (et pas forcément aux personnes les plus désignées) pour leur donner un espace d’initiative, d’apprentissage et d’expérience.

Intégrer et développer

Parfois, les cloisonnements, les compétitions internes ou le manque de temps font que l’étape “intégration” de la nouvelle recrue à l’institution passe à la trappe. Sans intégration de la personne au fonctionnement et à la culture de la collectivité, pas de sentiment d’efficacité personnelle, de dynamique coopérative, d’expression des talents et, en somme, pas ou trop peu de développement. Comme le dit l’adage, “nous n’avons qu’une chance de faire une bonne première impression” et la manière dont un nouveau venu est intégré dès ses premiers jours en dit long sur l’administration qui le reçoit. 

Un équilibre est à assurer entre la prise en compte de l’individu, de ses besoins et ceux du collectif. Les systèmes de coaching individuel couplés à une proposition de parrainage ou marrainage à forte assise institutionnelle sont intéressants. Plus souples, développons les événements du type “cafés managers” en présentiel ou distanciel, qui peuvent être animés par les RH ou des managers sur des thématiques précises.

La manière dont un nouveau venu est intégré dès ses premiers jours en dit long sur l’administration qui le reçoit.

Certains DRH du public en ont soupé de la “QVT”. Après la GPEEC* (surtout utilisée pour réduire les effectifs ou faire des plans sociaux), la RSE** ou l’innovation mises à toutes les sauces, il faut sortir son plan QVT pour être un DRH qui fait bien son travail (voire, le minimum).

Renforcer la qualité de vie au travail 

Bref, comme une impression de tromperie. Et trop souvent, ces plans QVT sont des plans QVT “paillettes”. Bien sûr, les espaces de convivialité, le sport sur le temps de travail ou les séances de sophrologie peuvent avoir leur intérêt. Mais il est illusoire de travailler sur ces leviers si la question essentielle du travail n’est pas abordée pour explorer les liens entre développement individuel et collectif, entre santé des agents et performance du service public.

Les démarches QVT sont contreproductives si elles ne renforcent pas le management dans sa capacité d’initiative, ne permettent pas que les décisions se prennent au bon niveau, ne reconnaissent pas le droit à l’erreur, n’instaurent pas des leviers de rémunération récompensant l’effort individuel et collectif. Nous sommes convaincues que les administrations publiques sont prêtes à ce lâcher-prise institutionnel, et que l’heure est venue de faire confiance aux managers de toutes générations.

* Gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences.
** Responsabilité sociétale des entreprises.

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Club des acteurs publics

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