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Caroline Diard : “Le télétravail est devenu un élément fort de la marque employeur”

Enseignante-chercheuse en management des ressources humaines et droit à l’ESC Amiens, Caroline Diard analyse l’impact du télétravail dans les organisations.

Avec la crise sanitaire, le télétravail est-il devenu un élément central de la marque employeur ?
Le confinement a vraiment changé la donne, puisque beaucoup de collaborateurs ont pris l’habitude de télétravailler ; certains ont même déménagé pendant le confinement et ont fait des choix de vie différente. De fait, la possibilité de télétravailler est devenu un élément fort de la marque employeur. C’est un élément de fidélisation pour les personnels déjà en poste, c’est un élément d’attractivité pour les futures recrues. Dans le privé, l’accord national interprofessionnel le mentionne, ce qui traduit une vraie réflexion de la part des services “RH” sur “comment attirer des candidats grâce au télétravail”. Il permet d’attirer des talents au-delà de son bassin d’emploi traditionnel : un employeur parisien peut ainsi élargir ses recrutements à la province. C’est d’autant plus important que nous sommes dans un contexte de pénurie sur certaines compétences. Les processus de recrutement sont facilités et fluidifiés. Si l’on regarde les annonces récentes sur des sites tels que LinkedIn ou Indeed, beaucoup mentionnent désormais le télétravail, ce qui n’était pas le cas au début de 2020. C’est significatif d’un changement en la matière : les lignes bougent.

Cette évolution concernant le télétravail s’appréhende-t-elle de manière différente entre secteur public et secteur privé ? 
C’est exactement la même chose dans les 2 secteurs, puisque en regardant de près les 2 accords relatifs au télétravail, côté public et côté privé, on retrouve le mot-clé “attractivité”. Dans le texte relatif à la fonction publique, il est indiqué que le télétravail peut contribuer à rendre le service public plus attractif si ses conditions de mise en œuvre favorisent l’amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail, l’autonomie des agents et préserve l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. On le voit bien : il y a une préoccupation et une appréhension similaires. Bien sûr, la mobilité fonctionne différemment entre public et privé, avec les mobilités géographiques et des mutations possibles dans le secteur public, alors que les choses s’organisent différemment dans les entreprises, où vous êtes souvent obligé de démissionner si vous déménagez. 

Les risques psychosociaux émergeants propres au télétravail sont vraiment apparus pendant le confinement.

Au-delà des textes, l’approche managériale reste-t-elle centrale ?
Oui, clairement : c’est un enjeu très managérial avec une approche tout à la fois “micro” et “macro”. D’une part, la relation entre l’agent et le manager, qui suppose d’apprendre à manager à distance. C’est envisagé dans les accords relatifs au privé comme au public, avec l’adoption de bonnes pratiques. La formation et la montée en compétences du manager et du télétravailleur sont nécessaires. Le niveau macro concerne l’organisation générale, avec la pertinence de la négociation au niveau local. 

Sur la base des retours d’expérience de ces dix-huit derniers mois, quels sont les risques émergents ? 
Les risques psychosociaux émergeants propres au télétravail sont vraiment apparus pendant le confinement, alors que la problématique d’isolement n’avait pas été anticipée. En sortie de confinement, le burn-out et les démissions se sont multipliés, avec des arrêts de travail accrus. Des situations conflictuelles se sont développées, attirant la vigilance des employeurs. Des situations de harcèlement d’un nouveau genre, avec une forme de contrôle technologique, sont apparues. Avant, le télétravail était peu contrôlé, les gens autorisés à télétravailler étant autonomes. Le confinement a changé les choses et certaines personnalités déviantes – bien sûr minoritaires ! – ont pu vouloir garder une mainmise sur les équipes, avec des sollicitations tardives, une augmentation de la charge de travail, une hyperconnectivité, des réunions toute la journée pas toujours nécessaires… C’est ce que j’appelle le “contrôle technologique”, qui relève d’une forme de harcèlement. On a aussi vu apparaître des formes de harcèlement sexuel à distance, ce qui peut apparaître très surprenant. Mais cela existe. Mais les managers ayant développé un management bienveillant sont les plus nombreux.

Par ailleurs le cadre diffère-t-il entre public et privé ? 
L’accord relatif à la fonction publique encadre le nombre de jours autorisés, au maximum 3 jours, avec une indemnité de frais de 2,50 euros par jour. Dans le privé, la négociation est privilégiée. C’est une grosse différence, avec un carcan propre à la fonction publique et davantage de souplesse dans le privé. 

Propos recueillis par Sylvain Henry 

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