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Cabinets de conseil : Amélie de Montchalin contre-attaque en ciblant la droite et l’époque RGPP

Alors que la question du recours par l’État aux cabinets de conseil commence à perturber la campagne d’Emmanuel Macron, l’exécutif a dénoncé des “récupérations politiques” et des “manipulations grossières”. Le rapport de la commission d’enquête du Sénat est “détourné”, a pointé le gouvernement en assumant de “s’appuyer sur des renforts”.

Les ministres Amélie de Montchalin et Olivier Dussopt en conférence de presse le 30 mars.

L’exécutif tente de déminer le terrain sur la question du recours, par l’État, aux cabinets de conseil privés. À une dizaine de jours du premier tour de l’élection présidentielle, les ministres Amélie de Montchalin et Olivier Dussopt ont tenu une conférence de presse, mercredi 30 mars, pour essayer d’éteindre la controverse après la publication d’un rapport très critique du Sénat sur le sujet et alors que les adversaires du Président-candidat Emmanuel Macron y voient le symbole d’une connivence avec le milieu des affaires. Sans oublier, non plus, la mise en cause par le Sénat du cabinet américain McKinsey pour ne pas avoir payé d’impôt sur les sociétés en France depuis des années. 

La ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, a ainsi dénoncé des “attaques de plus en plus fortes et grossières”. “C’est l’État qui est attaqué et remis en cause, les procès en incompétence sont une insulte pour les agents publics”, a-t-elle déclaré, tout en disant assumer que le gouvernement puisse “s’appuyer sur des renforts”.

Le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt, a renchéri en pointant à son tour des “récupérations politiques” et des “manipulations grossières”. Et d’évoquer des “amplifications” et “déformations” qui, selon lui, “sont autant de poison pour la démocratie”. 

“Pas de délégation de la gestion de crise”

Cette prise de parole fut surtout l’occasion pour les ministres de répondre aux constats du rapport de la commission d’enquête du Sénat. Un rapport “détourné”, a regretté Amélie de Montchalin. Celui-ci, pour rappel, pointait dans le recours aux cabinets de conseil un “phénomène tentaculaire”, “opaque” et un “risque de dépendance” de l’administration. Des arguments que le gouvernement a tenté de battre en brèche. 

“Jamais les décisions ne sont prises par les consultants, a souligné la ministre. Les décisions, dans notre pays, sont prises par des hommes et des femmes politiques légitimes, qui sont légitimes et responsables, devant le Parlement, devant les Français.” “Il n’y a pas eu de délégation de la gestion de crise, a-t-elle ajouté à titre d’exemple. C’est un fantasme de le penser ou de le laisser penser.” 

Les anciens gouvernements de droite dans le viseur

Quant aux dépenses de conseil de l’État en 2021, le gouvernement a évoqué le chiffre de 893,9 millions d’euros. Cela "représente 0,03 % de la masse salariale totale" de l'État, a tenté de minimiser Olivier Dussopt. "Rapportée aux dépenses de l'État, la somme est extrêmement limitée, a-t-il développé. On ne peut pas laisser entendre que l'État se serait désengagé et que les consultants auraient remplacé les agents publics".  Le montant évoqué par l'exécutif n’inclut cependant pas les dépenses des opérateurs de l’État, ce qui explique la différence avec le montant d’1 milliard d’euros donné par le Sénat dans son rapport.

Le recours aux cabinets de conseil “n’est pas un fait nouveau”, a ajouté Amélie de Montchalin. L’occasion d’une contre-attaque en direction des anciens gouvernements de droite, sous les Présidences de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy notamment. Ce phénomène n’a donc pas émergé sous le quinquennat actuel, a-t-elle argumenté en substance : “Ce phénomène remonte au moins aux audits dits Copé, lancés en 2005 pour rationaliser les dispositifs publics.”

La pratique, a poursuivi la ministre, s’est ensuite “généralisée entre 2007 et 2012”, sous Nicolas Sarkozy, au travers de la fameuse Révision générale des politiques publiques (RGPP). L’occasion d’une nouvelle pique à l’adresse de la droite : “À l’époque, les dirigeants partaient sur un postulat idéologique tout à fait assumé qui était celui d’une défaillance de l’État , défaillance à se réformer par lui-même, défaillance à repenser par lui-même, défaillance à faire lui-même.”

Encadrement renforcé  

Comme une manière de montrer son implication dans ce dossier, le gouvernement a, sans surprise, saisi l’occasion de cette conférence de presse pour (re)mettre en avant les premières mesures prises par l’exécutif pour “encadrer davantage” le recours aux cabinets de conseil. Référence à la circulaire de janvier dernier du Premier ministre, Jean Castex, qui mettait l’accent sur le renforcement du pilotage ministériel et interministériel, sur le contrôle des contrats passés, sur la nécessité de réinternaliser des compétences ou encore sur l’objectif de 15 % “au moins” de baisse des dépenses de conseil en 2022.  

Sur la base des recommandations du Sénat, le gouvernement souhaite désormais aller plus loin. “Première priorité, la transparence”, a indiqué Olivier Dussopt en promettant l’élaboration d’un document, annexé aux projets de loi de finances, “centralisant toutes les données sur les prestations intellectuelles commandées par l’État”.  

Autres promesses gouvernementales pour les prochains mois : le renforcementdu cadre contractuel alors que l’accord-cadre interministériel doit être renouvelé avant l’été, le renforcement des règles de mise en concurrence ou la systématisation de l’évaluation des prestations.

“Charte de déontologie” et déclarations d’intérêts  

L’exécutif prévoit aussi de renforcer les règles déontologiques applicables aux cabinets de conseil. Si de premières pistes étaient déjà évoquées dans la circulaire de Matignon, Olivier Dussopt vient d’annoncer la mise en place d’une “charte de déontologie” pour les cabinets de conseil qui répondraient à l’appel d’offres du prochain accord-cadre en conseil et stratégie. Le ministre a également évoqué la présentation, prochaine, de déclarations d’intérêts par les consultants “mobilisés pour chaque mission de façon à avoir un degré de prévention le plus important possible”.

Le Sénat, pour rappel, plaidait également pour le renforcement des missions (et des moyens) de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en lui confiant une “nouvelle mission de contrôle”, précisément des cabinets intervenant dans le secteur public. Le gouvernement ne se prononce pas sur cette piste. L’exécutif renvoie en effet le débat à la proposition de loi transpartisane que les membres de la commission d’enquête comptent déposer en fin d’année et qui reprendrait leurs propositions.  

Dernier point abordé par les ministres : les prestations pro bono, ces prestations assurées à titre grâcieux par les cabinets de conseil auprès d’entités publiques. La circulaire gouvernementale prévoit déjà une “déclaration obligatoire de ces missions auprès des secrétariats généraux des ministres”. L’exécutif compte aller plus loin : “Ces missions ont pu se révéler utiles dans le cadre de la gestion de crise, a expliqué Olivier Dussopt. Elles pourraient à l’avenir se limiter à des circonstances exceptionnelles, comme une crise, ou encore au profit de secteurs non marchands, comme la culture, l’éducation ou le secteur social.”

Les sénateurs contre-attaquent 
Après la conférence de presse d’Amélie de Montchalin et Olivier Dussopt, la commission d’enquête sénatoriale a estimé que le gouvernement continuait de “minimiser l’influence des consultants”. Dans un communiqué, elle a ainsi souligné que cet exercice de communication gouvernementale dans les locaux de Bercy “à dix jours du premier tour”, “n’a pas levé toutes les zones d’ombre”. “Le fiasco de la mission de McKinsey sur l’avenir du métier d’enseignant”, “la répartition des contrats pendant la crise sanitaire” ou le recours au cabinet McKinsey malgré les doutes sur sa situation fiscale sont autant d’exemples d’une “opacité” qui renforce “le climat de défiance”, déplorent notamment les sénateurs de cette commission d’enquête.

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