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Anne Duclos-Grisier (Dila) : “Nous réfléchissons à créer des liens entre Légifrance et Service-public.fr”

La vitrine en ligne de l’administration, Service-public.fr, fête cette année ses 20 ans. Dans un entretien à Acteurs publics, la directrice de l’information légale et administrative, Anne Duclos-Grisier, revient sur le principe de coconstruction sur lequel repose ce site Web et sur ses prochaines évolutions, notamment pour mieux toucher des publics éloignés de l’administration.

Le site Service-public.fr a 20 ans. Quelles ont été les grandes étapes qui ont façonné le site que l’on connaît aujourd’hui ?
Tout d’abord, il faut souligner que pour ses 20 ans, Service-public.fr a reçu un très beau cadeau d’anniversaire, puisque nous battons nos records d’audience. À fin novembre, on compte près de 400 millions de visites, alors qu’on en comptait 313 millions à la même date l’an dernier. Cette progression montre que nos efforts sont récompensés par les utilisateurs, qui sont toujours plus nombreux. L’effet “Covid-19”, qui a attiré beaucoup de visiteurs sur nos actualités en lien avec la crise sanitaire, et notamment l’attestation dérogatoire, ne doit toutefois pas être négligé. Pour revenir sur les grandes étapes du site, celui-ci a en réalité évolué en continu sur ces vingt dernières années, même si des étapes clés peuvent se démarquer, comme une importante refonte menée en 2015 sur le plan ergonomique, mais aussi avec l’ajout de démarches en ligne.

Le positionnement du site a-t-il évolué fondamentalement depuis sa création en 2000 ?
Ce qui fait le succès de Service-public.fr aujourd’hui, ce sont en réalité les grands principes qui ont toujours sous-tendu le site. D’abord, notre ligne éditoriale est de toujours rechercher une information fiable, à jour, factuelle et la plus précise, sans parti pris. Notre effort permanent est d’aller vers une information la plus simple et claire possible pour toucher le public le plus large possible. Un effort indispensable quand on sait à quel point expliquer l’administration en langage simple peut parfois être compliqué. L’autre principe fondateur, c’est de développer continuellement de nouveaux outils pour aider au maximum l’usager dans ses relations avec l’administration, en multipliant les démarches en ligne, mais aussi ce que l’on appelle les “formulaires Cerfa guidés”, qui facilitent le remplissage des formulaires pour l’usager. C’est en s’appuyant sur ces fondamentaux de neutralité et de clarté de l’information, tout en répondant aux besoins des usagers avec de nouveaux outils qui leur facilitent la vie, que l’on parvient à maintenir un bon niveau de performance. 

Nous cherchons de plus en plus à coconstruire avec les utilisateurs les produits que nous présentons sur Service-public.fr.

Service-public.fr se démarque aussi de bien des sites administratifs par l’association étroite et régulière de ses utilisateurs. Comment cela se met-il en œuvre ?
Le site et nos équipes ont en effet une vraie préoccupation de l’usager. Ce qui est assez rare pour un site Internet public, où généralement, l’information est présentée telle qu’on la connaît, telle qu’on l’a à notre disposition. De notre côté, nous procédons à l’inverse, en partant de l’attente de l’usager pour se demander comment l’information peut lui être présentée. Cette attention se traduit en premier lieu par la mise en place d’un outil de mesure de la satisfaction des usagers, mais nous cherchons aussi et de plus en plus à coconstruire avec les utilisateurs les produits que nous présentons sur Service-public.fr.

Comment procédez-vous concrètement pour coconstruire ces services ?
Juste avant le confinement, nous avons par exemple envoyé une équipe du site, tant éditoriale qu’informatique, dans une maison de justice et du droit, afin de rencontrer différents types d’usagers potentiels du site. L’équipe a travaillé aussi bien avec des personnes étrangères qui parlent mal le français qu’avec des personnes très éloignées de l’administration ou qui ont des difficultés avec le numérique, pour identifier leurs attentes, et surtout comprendre pourquoi elles ne se rendaient pas sur le site. À partir de cette expérience, nous avons retenu plusieurs pistes d’évolutions, dont une est en cours de mise en œuvre. Il s’agit notamment de créer des fiches simplifiées pour présenter les informations de manière différente et accrocher ces publics éloignés en les guidant étape par étape, comme une recette de cuisine. Le contenu de ces fiches simplifiées est également personnalisé en fonction de la situation de la personne et leur traduction en anglais est possible.

Et qu’en est-il des utilisateurs déjà captés ?
Cette logique de construction, nous l’appliquons à l’ensemble de nos publics. Pour reprendre l’exemple des fiches simplifiées en cours d’expérimentation, les personnes qui vont sur ces fiches tests ont aussi accès aux fiches classiques, ce qui nous permet de vérifier que l’on ne perde pas d’utilisateurs sur notre public actuel avec ce genre d’évolution. Par ailleurs, nous proposons un support par messagerie, par lequel les utilisateurs peuvent faire remonter leurs remarques, et des enquêtes de satisfaction sont régulièrement menées, pour percevoir si des améliorations sont possibles. 

Service-public.fr référence et donne accès à plus de 700 démarches en ligne, dont certaines sont réalisables directement sur le site.

Le site rend différents services, mais quels sont ceux qui sont les plus prisés par les visiteurs ?
Le public vient en premier lieu pour comprendre ses droits, disposer d’informations fiables et actuelles, ainsi que pour être mis en relation directement avec le bon service qui pourra ensuite instruire sa démarche administrative. C’est donc tout naturellement que la consultation des fiches d’information “Vos droits” et des brèves d’actualité représente la plus grosse part de l’audience totale, soit 70,8 %. Pour la réalisation des démarches, Service-public.fr référence et donne accès à plus de 700 démarches en ligne, dont certaines sont réalisables directement sur Service-public.fr et représentent une part plus faible de l’audience (4,5 millions de démarches en 2019). L’annuaire public attire quant à lui près de 6 % des visites et il est actuellement en cours de refonte, notamment pour faciliter son alimentation en continu par les administrations pour qu’il reste le plus à jour possible. En attendant, nous l’avons lié au site Résultats-services publics. Ce qui veut dire que lorsqu’une administration présente des indicateurs de satisfaction, ces derniers sont consultables directement à partir de sa page dans l’annuaire. 

Service-public vise à fournir de l’information et un accès aux démarches comme un guichet à sens unique. Cherchez-vous à développer l’interaction avec l’usager ?
Sur ce sujet, nous avons déjà la messagerie, qui est une première forme d’interaction avec les usagers. Mais nous cherchons également à développer notre stratégie multicanal, dans la mesure où la Dila [direction de l’information légale et administrative, ndlr] est en charge du centre d’appels interministériel 3939, pour l’instant limité aux saisines du juge aux affaires familiales. L’idée est d’étendre son périmètre à d’autres thématiques et de déployer un système de click-to-call, afin de permettre à l’usager d’accéder à un agent pour répondre à ses questions d’un simple clic à partir d’une fiche Service-public.fr. Nous menons aussi une expérimentation sur un chatbot pour répondre aux questions des usagers sur le site, en lien avec la Dinum [la direction interministérielle du numérique, ndlr], et nous construisons un prototype pour injecter de l’intelligence artificielle dans notre réponse messagerie, pour traiter les demandes et y répondre plus rapidement. 

Jusqu’où la Dila entend-elle aller dans le positionnement de Service-public.fr comme site de référence de l’accès aux démarches en ligne ?
Service-public.fr fait deux choses. Il référence l’ensemble des démarches en ligne des ministères, et en prépare parfois le parcours usager pour que l’utilisateur arrive sur la démarche d’un ministère donné avec toutes les informations et documents nécessaires. Mais il arrive aussi que la Dila développe elle-même des démarches en ligne avec le ministère concerné, notamment pour les démarches qui touchent un très grand nombre d’utilisateurs, comme l’inscription sur les listes électorales, ou lorsque la Dila a déjà jeté les bases techniques de cette démarche. Notre objectif, c’est que du point de vue de l’usager, celui-ci ait le parcours le plus fluide possible jusqu’à la démarche, et que cette démarche bénéficie des fortes audiences de Service-public.fr.

L’idée de développer une application mobile, évoquée par la députée Catherine Osson, pour augmenter l’utilisation du site, est-elle encore d’actualité ?
Nous avons fait quelques essais d’applications mobiles, notamment une sur le thème du déménagement, mais rien n’est encore en phase avancée de développement, d’autant que Service-public.fr est déjà bien accessible sur smartphone. Quant à la question du déficit de notoriété qui était pointée par la députée, je ne crois pas qu’avec plus de 400 millions de visites en un an, ce soit encore le cas. Et quand bien même les usagers n’auraient pas le réflexe d’aller sur Service-public.fr pour trouver une information, le fait est que le site est extrêmement bien référencé sur les moteurs de recherche, si bien que les internautes trouvent la réponse à leur question sur Service-public.fr à l’arrivée. 

Quelles sont les priorités d’action pour améliorer le site dans les prochains mois ?
Notre priorité est de déployer, si les tests sont concluants, les fiches simplifiées que j’ai déjà évoquées. Le “Lab SP” va aussi étudier d’autres pistes d’évolution, notamment pour proposer des outils aux aidants [numériques, ndlr] afin qu’ils puissent eux-mêmes mieux informer les publics les plus éloignés du numérique et que l’on n’arriverait pas à toucher directement avec un site Internet. Nous réfléchissons également à créer des liens entre Légifrance et Service-public.fr, non pas dans le sens Service-public.fr vers Légifrance, comme cela existe aujourd’hui, mais dans le sens inverse, en mettant des liens sur les textes de Légifrance conduisant vers des explications de Service-public.fr. Cela permettrait, je crois, d’éclairer encore un peu plus le droit et de le rendre plus compréhensible pour les usagers. L’essentiel du travail reste toutefois de continuer à développer nos contenus sur l’ensemble de nos sujets et thématiques.

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