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Administration “administrante” et vérité des chiffres

Contrairement aux idées reçues, notre fonction publique d’État est très largement déployée sur le territoire et les effectifs des administrations centrales sont très faibles. Et à peine plus de 6 agents de l’État sur 10 sont des fonctionnaires statutaires.

Dans un pays où un emploi sur 5 est un emploi public, il n’est pas absurde d’amener ce thème dans la campagne présidentielle qui s’amorce. Ne serait-ce qu’en raison des enjeux budgétaires : près de 300 milliards d’euros de masse salariale par an sur les trois versants de la fonction publique, soit un quart de la dépense publique*.

Encore faut-il ne pas se tromper de cible et avoir en tête les bons chiffres, et si possible les derniers, parus le 19 octobre dans le rapport annuel de la fonction publique

Alors que Valérie Pécresse a lancé l’offensive à droite cette semaine en affirmant vouloir supprimer 150 000 ou 200 000 postes entre 2022 et 2027 dans l’administration “administrante” [lire notre article], sous-entendu la bureaucratie pondeuse de normes basée à Paris, il est bon que rappeler qu’entre 2011 et 2019, l’emploi public a augmenté moins vite que l’emploi total et que c’est dans la fonction publique d’État que la hausse a été la plus modérée (+ 0,1 % par an) comparé à la territoriale (+0,6 %) et à l’hospitalière (+ 0,5%). 

La vérité des chiffres publiés cette semaine est que l’administration d’État en France est très largement déconcentrée.

Autre chiffre qui frappe : les services nationaux qui regroupent, hors armée et gendarmerie, les fameuses administrations centrales et autres directions nationales des établissements publics ne pèsent que pour 7,3 % de l’emploi civil de la fonction publique d’État, soit 161 000 emplois, dont à peine 65 000 pour les seules administrations centrales des ministères ! Voilà qui bat en brèche le discours sur les fonctionnaires trop nombreux dans les ministères à Paris, d’autant que plus du tiers des agents de ces services centraux sont localisés… hors de l’Île-de-France !

La vérité des chiffres publiés cette semaine est que l’administration d’État en France est très largement déconcentrée. Les services dans les territoires emploient 85 % des agents des ministères. En 2019, 76 % des agents civils de la fonction publique d’État travaillaient en province : une part très proche de l’ensemble des emplois du pays (77 %). 

Quand on regarde à la loupe, le ministère qui dispose de l’administration centrale la plus réduite, c’est le ministère de l’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur. Le “mammouth” n’est en fait qu’une souris, avec 0,3 % de ses emplois en administration centrale contre 35 %, par exemple, pour Bercy et 15 % des effectifs pour le ministère de la Transition écologique. Quant au portrait-robot du fonctionnaire d’État, on est bien loin du rond-de-cuir qui passerait son temps à compliquer la vie des gens depuis la capitale : près de 2 agents civils de la fonction publique d’État sur 3 exercent dans une école, un collège, un lycée, une faculté ou un établissement de recherche… 

Il est illusoire de faire croire que l’on pourrait redéployer massivement des fonctionnaires de Paris vers la province pour “réarmer” l’administration territoriale de l’État.

Quel enseignement tirer de ces chiffres et ces évolutions ? Compte tenu des très faibles effectifs des administrations centrales, il est illusoire de faire croire que l’on pourrait redéployer massivement des fonctionnaires de Paris vers la province pour “réarmer” une administration territoriale de l’État qui a perdu 35 % de ses effectifs dans les départements et 17 % dans les directions régionales entre 2011 et 2019.

Quant au poids du sacro-saint statut, il se réduit. Sur le champ des 3 fonctions publiques, on comptait 68 % de fonctionnaires en 2019 contre 73 % en 2009. Pour la seule fonction publique d’État, on est passé de 68,8 % de titulaires à 61,8 % en dix ans. Dans le même temps, le pourcentage de contractuels a bondi dans les 3 fonctions publiques de 16,8 à 20 % – hors militaires et autres catégories, notamment les enseignants contractuels des établissements privés sous contrat. 

On comprend mieux, à la lumière de ces chiffres sur la fonction publique, pourquoi certaines personnalités politiques, y compris à droite, rechignent désormais à s’engager sur des objectifs chiffrés de réduction de postes. Cet angle n’est pas forcément le bon si l’on compare aux vrais grands enjeux de la fonction publique à l’horizon 2027 : l’attractivité, les modes de recrutement, la gestion des carrières, le mode de rémunération, le temps de travail… 

* “La masse salariale de l’État, enjeux et leviers” (Cour des comptes, 2015).

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